lundi 8 décembre 2025

LE MASQUE N° 5 - SEPTEMBRE 1910


LE MASQUE
N° 5 (Septembre 1910)
[Date de publication : Septembre 1910 - Couverture : Numéro, Titre, Illustration de Georges Lemmen, Lieu de publication, Date - 2e de couverture : Titre, Sous-titre, Abonnement, Prix du numéro, Adresse des Bureaux - 3e de couverture : Imprimeur ; Editeur - 4e de couverture : Titre, Sous-titre, Sommaire, Mention ("Ce numéro est orné d'un dessin de Charles Doudelet.") - Pagination : 32 pages]
Sommaire

Charles Doudelet : [Dessin], dessin (hors texte)

Albert Giraud : Le Secret du Sphinx, poème (p. [129]-130)

Stuart Merrill : Petits poèmes d'amour, poèmes en prose [numérotés de I à X]  (p. [131]-135)

Emile Verhaeren : Septembre, poème en vers libres (p. [136])

Marguerite Gillot  : Poèmes : I. Angélus (p. [137]), II. Crépuscule (p. 138), poèmes (p. [137]-138)

Blanche Rousseau : Grande Mademoiselle Fanny, nouvelle [à Georges Lemmen] (p. [139]-147)

Grégoire Le Roy : Les Silences, poème en vers libres (p. [148]-150)

Louis Dumont-Wilden et Georges Marlow : Tristan Bernard (essai de critique dialoguée), critique (p. [151]-156)

*** : Propos de table, chronique [Le 13 septembre à 4 heures du matin, nous pénétrions dans le somptueux poulailler de la rue des Sept Béguines où, guidé par un sublime souci d'art et de charité, Grégoire Le Roy nous conviait à la première représentation d'une adaptation belge de Chantecler au profit du Cercle Noble et de M. Myrtil Schleisinger... ; Quelques phrases d'un article de M. Edmond Picard, intitulé "La Question Maeterlinck" (La Chronique, 9 octobre 1910) :...] (p. [157]-158)

Saint François d'Assise de Bouhélier le Magnifique : Petite anthologie : Bénédiction [à Thomas Braun], poème ["médité et écrit le jour de St-Eusèbe en l'an 1909"], rubrique [pastiches, parodies et épigrammes] (p. [159]-160)

Documents
"[Dessin] de Charles Doudelet"

"Bénédiction" 

à THOMAS BRAUN

Ô Seigneur, bénissez les humbles pieds des hommes,

Ceux des bêtes et ceux des enfants, bénissez

A Bruxelles les pieds d'Albert Premier, à Rome

Ceux que notre ferveur honore de baisers.


Bénissez les orteils des pauvres et des riches,

Ceux du coureur agile, ornés d'œils de perdrix

Ceux du fier colonel, ceux du colleur d'affiches

Ceux du banquier et du marchand de canaris.


Faites que la sueur dont le front adamique

Méconnut la fraîcheur, ne les épargne pas

Et donnez-leur, mon Dieu, l'âcreté balsamique

Qui baigne les souliers en transperçant les bas.


Si de mon jardinier, j'enfile les chaussures

Pour affronter la boue éparse en la cité,

Imprégnez du parfum de l'humble créature

Mes poétiques pieds épris d'humilité.


Bénissez, ô Seigneur, les pieds de ma servante,

Qui foulent tour à tour ma chambre et mon jardin,

Les pieds de mon curé, ceux de ma vieille tante

Et surtout ceux de Francis Jammes, mon parrain,


Si les uns sont couleur de cendre et de tristesse

Comme mon âme, il est parmi ces pieds qui vont

Allègrement par les chemins de la sagesse,

Des doux habitués du linge et du savon.


Mais qu'ils soient blancs ou noirs, de satin ou de corne,

Tous, depuis le plus fruste et le plus indolent

Jusqu'au plus fier, mon Dieu, pour votre gloire s'ornent

D'oignons comme les lys, de cors comme Roland !


Pâles et décharnés, voici les pieds des Carmes,

Rouges, ceux des Chartreux, noirs, ceux des Capucins

Puis, voici les grands pieds tragiques des gendarmes,

Raillant l'onde attardée aux vasques des bassins.


Voici vos pieds charmants, porteurs de télégrammes,

Les tiens, ô chef de gare, et les tiens, ô facteur,

Véhicules discrets des lettres que ma femme

Confie à votre zèle, ô nobles serviteurs !


Hélas, que j'en ai vu courir en espadrilles,

En sabots cliquetants, en souliers éculés,

Pieds d'hommes, pieds d'enfants et pieds de jeunes filles,

Esclaves de mes vœux à peine formulés :


Ils allaient, quelquefois vaincus par la tempête,

Un brusque arrêt troublant leur inlassable ardeur,

Mais vainqueurs du Destin, leurs orteils en trompette

Bientôt sonnaient la charge et repartaient en chœur.


Il est bien d'autres pieds que j'oublie ou j'évite :

Pieds d'alouette en fleur, pieds de nez folichons,

Pieds de marmite et vous, coups de pied d'Aphrodite

Que j'assimile à vos horreurs, pieds de cochons !


Sur tous ces pieds aussi, déversez votre grâce

Ô Seigneur, que j'implore en cette nuit d'hiver,

Et faites que les miens que la poussière encrasse

Soient pour Jammes un jour l'objet de tendres vers !

SAINT FRANCOIS D'ASSISE DE BOUHELIER LE MAGNIFIQUE.

Médité et écrit le jour de St-Eusèbe en l'an 1909.

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