lundi 5 juin 2017

L'ILE SONNANTE N° 32 - DÉCEMBRE 1913

L'ILE SONNANTE
N° 32 (Décembre 1913)
[Date de publication : Décembre 1913 - Couverture : Année (4e), Numéro, Date, Titre (en rouge), Sous-titre, Périodicité (Paraissant tous les deux mois), Sommaire, Prix du numéro, Adresses (Direction et Administration) - 2e de couverture : Titre, Adresse, Rédaction ("Le Mardi soir de 8 h. à 10 h. (Sauf du 1er Mai au 1er Octobre)"), Mentions ("Toutes les communications relatives à la rédaction devront être adressées à M. Michel Puy, 21, rue Rousselet, Paris (VIIe)" / "Tout ce qui concerne l'administration de la Revue (abonnements, mandats, demandes de numéros), devra être adressé à MM. Georges CRES et Cie, édit., 116, Boulevard Saint-Germain, Paris (VIe)"), Direction (Tristan Derème, Roger Frène, Michel Puy), Comité de rédaction, Mentions ("Les auteurs sont seuls responsables de leurs articles" / "Les manuscrits seront retournés aux auteurs qui en feront la demande, mais l'Administration de la Revue décline toute responsabilité en ce qui concerne les manuscrits qui viendraient à être perdus ou détruits." / "L'Île Sonnante paraît 6 fois par an : les 1er février, 1er avril, 1er juin, 1er août, 1er octobre et 1er décembre."), Abonnement, Mention ("Les abonnements dont le montant sera recouvré par la poste seront majorés de 0 fr. 50.") - 3e de couverture : Page publicitaire pour "Georges Crès et Cie" (Collection "Les proses" / Publications de luxe) - 4e de couverture : Page publicitaire pour Georges Crès et Cie (Les Maîtres du Livre, collection d'ouvrages de luxe publiée sous la direction de Ad. Van Bever) - Bas de Page 280 : Gérant, Imprimeur - Pagination : 40 pages]
Sommaire
Henry Muchart : A une jeune fille de Port-Vendres, poème (p. [241]-242)
Charles Callet : Michel Servoz, nouvelle [A mon ami Marc Stéphane - fragment] (p. [243]-248)
Cécile Périn : Poèmes : I. "Il ne faut pas rester dans l'ombre..." (p. [249]) ; II. "Tu as jeté l'orgueil de ton rêve à l'eau lente..." (p. 250), poèmes [A la mémoire de Léon Deubel] (p. [249]-250)
Gaston Guilleré Le mélomane (p. [251]-252) ; L'inspiration (p. 252), poèmes en prose (p. [251]-252)
A.-R. Schneeberger : Trois complaintes : Complainte de la Rose (p. [253]) ; Complainte du Poète tragique [en épigraphe : "Ce monde goujat a ses saints."] (p. 254) ; Complainte du Surhomme (p. 255), poèmes (p. [253]-255)
Paul Vimereu : L'ascension sentimentale, nouvelle (p. [256]-261)
Léon Vérane : Fastes d'automne, poème [Pour Albert Saint-Paul] (p. [262])
Gabriel-Joseph Gros : Berceuse, poème [A Marius Mermillon] (p. [263])
Michel Puy : Un nuage au couchant, poème (p. [264])
Marcel Martinet : Eugène Montfort et les Marges, compte rendu [en note : "Les Marges, 1903-1908. Edition complète, revue, corrigée et augmentée de notes inédites. Introduction par Pierre Leguay, Paris, Bibliothèque des Marges."] (p. [265]-269)
CHRONIQUES
Roger Frène : Les revues [Il y aurait beaucoup à dire que la façon, d'ailleurs intéressante, dont M. Lafargue apprécie les poètes dans Les Marges. Cette façon me paraît déplorable, et, de plus, contradictoire... ; Il félicitera M. Camo de "son application à ne lire que de belles poésies", - entendez des poésies classiques. Le fâcheux éloge ! Prenez le récent Mercure où M. Camo a donné plusieurs pages de vers et vous sentirez combien ses lectures l'ont desservi... ; Le Mercure nous rappelle, par les histoires comtoises de Louis Pergaud, le mot excellent du peintre Courbet à qui on citait un artiste dépourvu d'inspiration et de sujets : "Le malheureux n'a donc pas de pays ?" Pergaud a un pays et il en tire des souvenirs vivants. ; Quelle sympathie ne mérite pas Rodumna, la revue de Roanne ? Quelle sympathie, et même quel respect ! Cette publication a pris pour tâche de conserver et de retracer les traditions d'art, d'histoire et d'archéologie d'un pays : elle fixe au jour le jour la vie d'une cité... ; Mémento : Le Parthénon donne un fragment de "La danse macabre" de Fagus, qui promet d'être un bon poème ; L'Occident des vers toujours originaux et souvent mieux de Mithouard, et un charmant et joyeux conte gastronomique de T. de Visan. Au Reliquaire Pyrénéen une fraîche et gracieuse poésie signée Charlotte Pilon, un article d'O. Hourcade sur le peintre lourdais Capdeville. Dans les Feuillets de bien délicates poésies d'Henry Spiess. A La Phalange un très remarquable article de Roger Allard sur Léon Deubel, et une suite de critiques nettes et même un peu brutales de Louis Thomas. Marcel Martinet donne dans L'Effort libre un article sur "l'Art prolétarien", contribution précieuse au mouvement que tente cette revue en faveur d'un art populaire. Il faudrait encore s'arrêter aux intéressantes notes auto-psychologiques de François Porché (Nouvelle Revue Française), au numéro spécial que le Cahier des Poètes consacre à Paul Fort, à l'importante publication La Vie des Lettres où G. Polti cite, au cours d'une étude, de bien belles pages d'Alexandre Mercereau ; aux Facettes, où Derème écrit sur Deubel, et où se lisent, comme toujours, de jolis vers ; à La Vie où se trouvent des vers de Mandin, dans cette manière délicate, musicale et noble qui apparente l'auteur d'Ariel Esclave aux Vigny et aux Lamartine, autant qu'aux lakistes et aux pré-raphaélites ; à Poème et Drame qui publie "sept poèmes modernes", parmi lesquels ceux de Théo Varlet, Jules Leroux et Marcel Martinet ; aux Marges où se réunissent heureusement Puy, Bernard, Frick et Brésil ; à Pan, à La Clarté, au Divan, aux Cahiers d'aujourd'hui ; à l'Occident ; aux Bandeaux d'or dont nous aimons l'effort collectif et l'affirmation de plus en plus sûr d'un art nouveau, etc...], chronique (p. [270]-272)
R[oger]. F[rène]. : Lettre du vieux maître à son disciple, lettre fictive (p. [273]-274)
*** : Table des matières contenues dans la quatrième série de L'Île Sonnante (p. [275]-280) 

L'ILE SONNANTE N° 31 - OCTOBRE 1913 (numéro entièrement consacré à Léon Deubel)

L'ILE SONNANTE
N° 31 (Octobre 1913)
[Date de publication : Octobre 1913 - Couverture : Année (4e), Numéro, Date, Titre (en rouge), Sous-titre, Périodicité (Paraissant tous les deux mois), Sommaire, Prix du numéro, Adresses (Direction et Administration) - 2e de couverture : Titre, Adresse, Rédaction ("Le Mardi soir de 8 h. à 10 h. (Sauf du 1er Mai au 1er Octobre)"), Mentions ("Toutes les communications relatives à la rédaction devront être adressées à M. Michel Puy, 21, rue Rousselet, Paris (VIIe)" / "Tout ce qui concerne l'administration de la Revue (abonnements, mandats, demandes de numéros), devra être adressé à MM. Georges CRES et Cie, édit., 116, Boulevard Saint-Germain, Paris (VIe)"), Direction (Tristan Derème, Roger Frène, Michel Puy), Comité de rédaction, Mentions ("Les auteurs sont seuls responsables de leurs articles" / "Les manuscrits seront retournés aux auteurs qui en feront la demande, mais l'Administration de la Revue décline toute responsabilité en ce qui concerne les manuscrits qui viendraient à être perdus ou détruits." / "L'Île Sonnante paraît 6 fois par an : les 1er février, 1er avril, 1er juin, 1er août, 1er octobre et 1er décembre."), Abonnement, Mention ("Les abonnements dont le montant sera recouvré par la poste seront majorés de 0 fr. 50.") - 3e de couverture : Page publicitaire pour "Georges Crès et Cie" (Collection "Les proses" / Publications de luxe) - 4e de couverture : Page publicitaire pour Georges Crès et Cie (Les Maîtres du Livre, collection d'ouvrages de luxe publiée sous la direction de Ad. Van Bever) - Bas de Page 240 : Gérant, Imprimeur - Pagination : 48 pages]
Sommaire
*** : [Présentation], introduction au numéro (p. [193])
Léon Deubel : Poèmes inédits : Entre toutes (p. [194]) ; La haine amoureuse (p. 195), sonnets ; Poèmes inachevés : "Je travaille parfois à naître..." (p. 196) ; Cris (p. 196-197) ; "Un chant d'amour traînait sur les vagues blessées..." ; "Aux flancs des monts herbeux dont la musculature..." (p. 197), poèmes (p. [194]-197)
Léon Deubel : La lumière natale : Le sommeil du paysage (p. [198]) ; La fin d'un jour (p. 199-206) ; Exil (p. 207) ; Solitude (p. 207-208) [daté "Fiesole"] ; Lunaire (p. 208) ; A l'aube (p. 209-212), poèmes (p. [198]-212)
Léon Deubel Choix de Poésies (1899-1905) : Lai de la source (Cernay) (p. [213]) ; "Ces voix hallucinantes dans le soir, ces voix..." [en épigraphe, citation de Paul Verlaine : "Ah ! Les voix mourez donc, mourantes que vous êtes." - extrait de La Chanson Balbutiante (1899)] (p. 214) ; Offrande [extrait de La Chanson Balbutiante (1899)] (p. 214-215) ; Sonnet rouge [daté "1899"] (p. 215-216) ; A Mlle J. L. [daté "Boulogne, 19 février 1900"] (p. 216) ; Sonnet [daté "1900"] (p. 217) ; Dialogue avec le lecteur [extrait de Chant des Routes (1900)] (p. 217-218) ; Liminaire [extrait de Chant des Routes (1900)] (p. 218) ; "Silence ! puis une vibration de la terre" [extrait de Chant des Routes (1900)] (p. 219) ; Des soirs [daté "1903"] (p. 219-220) ; "Si libre, dresse enfin ton fauve orgueil de vivre..." [extrait de Vers la Vie (octobre 1903)] (p. 220) ; "C'est dans le soir où le vent toaste..." [extrait de Sonnets Intérieurs - daté "Caserne 1903"] (p. 221) ; Sommeil [daté "1905"] (p. 221-222) ; Le poème du clocher (p. 222-224), poèmes (p. [213]-224)
Léon Deubel : François Villon, à Salins, étude [en note, présentation de L[ouis]. P[ergaud]. : "Littéralement pris à la glu, par cet article, Marcel Schwob, après l'avoir lu, écrivit immédiatement à Deubel pour l'en féliciter et lui demander d'où il tenait de si précieux renseignements. Le poète avoua que cette reconstitution n'était rien moins qu'une supercherie littéraire. L'écrivain des Diurnales ne lui en garda point rancune et, jusqu'à sa mort, garda avec le poète qui l'avait, sans le vouloir, mystifié, les relations les plus cordiales." - article initialement paru dans Le Flambeau, Besançon, 28 février 1904.] (p. [225]-229)
Léon Deubel : Histoire de Limpide ou Le jeune homme qui a des Lettres (fragment), roman [préface de l'auteur : "Un monsieur offre gratuitement dans ce livre de faire connaître hypertrophie du moi, crépusculite protéiforme (piano à quatre mains, baisements de pieds roses, monomanie de la mort invoquée et toujours sourde), fluxion d'estime, un moyen infaillible de se guérir complètement ainsi qu'il l'a été radicalement lui-même après avoir souffert et essayé en vain tous les remèdes préconisés. Ce livre dont on appréciera le but humanitaire est la conséquence d'un vœu." - Publication des six premiers chapitres - en épigraphe du chapitre I, citation de Trésor de mes inachevés de L[éon]. D[eubel]. : "Oh ! la tristesse des départs / Vers un précis quelque part !..." ; en épigraphe du chapitre III, citation de Maurice Maeterlinck : "Aimez et la grappe d'aventures frissonnera d'amour." ; en épigraphe du chapitre IV, citation de Franc-Nohain : "Ne plus manger, ne plus boire / Bien que l'on ait soif et faim." ; en épigraphe du chapitre VI, citation de Laurent Tailhade : "La Victoire en chantant leur ouvre la barrière / Et des b..... épars leur montre le chemin."] (p. [230]-240)
Document
"[Présentation]"
Il paraîtra dans quelques jours, par les soins de la Société du Mercure de France, un volume de poèmes de Léon Deubel.
Conformément au vœu du poète, ce volume sera consacré à ses œuvres les plus récentes, auxquelles on a ajouté pourtant un choix de ses vers anciens.
Nous avons pensé que bien des pages qui n'y trouveront pas place méritaient d'être offertes aux écrivains et aux lettrés qui ont manifesté leur sympathie pour la personne de Deubel et leur admiration pour son talent.
Des poèmes inédits ou inachevés, des poésies extraites de la Lumière natale, des vers écrits de 1899 à 1905, puis une curieuse fantaisie sur Villon et un fragment de roman composent la matière du présent fascicule, dans lequel apparaîtra sous divers aspects la personnalité d'un poète qui est connu surtout par la gravité hautaine et déchirante de ses accents.

dimanche 4 juin 2017

L'ILE SONNANTE N° 30 - AOÛT 1913

L'ILE SONNANTE
N° 30 (Août 1913)
[Date de publication : Août 1913 - Couverture : Année (4e), Numéro, Date, Titre (en rouge), Sous-titre, Périodicité (Paraissant tous les deux mois), Sommaire, Prix du numéro, Adresses (Direction et Administration) - 2e de couverture : Titre, Adresse, Rédaction ("Le Mardi soir de 8 h. à 10 h. (Sauf du 1er Mai au 1er Octobre)"), Mentions ("Toutes les communications relatives à la rédaction devront être adressées à M. Michel Puy, 21, rue Rousselet, Paris (VIIe)" / "Tout ce qui concerne l'administration de la Revue (abonnements, mandats, demandes de numéros), devra être adressé à MM. Georges CRES et Cie, édit., 116, Boulevard Saint-Germain, Paris (VIe)"), Direction (Tristan Derème, Roger Frène, Michel Puy), Comité de rédaction, Mentions ("Les auteurs sont seuls responsables de leurs articles" / "Les manuscrits seront retournés aux auteurs qui en feront la demande, mais l'Administration de la Revue décline toute responsabilité en ce qui concerne les manuscrits qui viendraient à être perdus ou détruits." / "L'Île Sonnante paraît 6 fois par an : les 1er février, 1er avril, 1er juin, 1er août, 1er octobre et 1er décembre."), Abonnement, Mention ("Les abonnements dont le montant sera recouvré par la poste seront majorés de 0 fr. 50.") - 3e de couverture : Page publicitaire pour "Georges Crès et Cie" (Collection "Les proses" / Publications de luxe) - 4e de couverture : Page publicitaire pour Georges Crès et Cie (Les Maîtres du Livre, collection d'ouvrages de luxe publiée sous la direction de Ad. Van Bever) - Bas de Page 192 : Gérant, Imprimeur - Pagination : 48 pages]
Sommaire
M[ichel]. P[uy]. : Deubel, étude (p. [145]-148)
Charles Callet : Le poète Léon Deubel, étude [en épigraphe, citation de Contes anciens, "La Bourse d'or" : "... Usés par le rêve, ils meurent d'épuisement, et leur pauvre dépouille, qui vibra comme une grande lyre, avec indifférence on la jette à la fosse commune..."] (p. [149]-157)
Francis Eon : Poèmes : Hylas au désespoir (p. [158]-159) ; Notes (p. [160]), poèmes (p. [158]-160)
Albert-Jean Le Naufragé, poème en vers libres [daté "Mars 1913"] (p. [161]-162)
Honoré Féa : Vesper, poème (p. [163]-164)
Joseph Dalby : Étoiles, poème (p. [165])
Victor Bonnans : Scénario pour un drame, poème (p. [166]-167)
Paul Vimereu : La Mare verte, nouvelle (p. [168]-178)
Roger Frène : L'impossible retour, poème en vers libres (p. [179]-184)
CHRONIQUES
Louis Pergaud : Les Romans [Philémon, par Lucien Descaves (Ollendorff) - (p. [185]) ; Dans les rues, par J.-H. Rosny aîné (Fasquelle) - (p. [185]-186) ; M. d'Outremort, par Maurice Renard (L. Michaud) ; Les Noces folles, par Eugène Montfort (B. Grasset) - (p. 186) ; Le jeune amant, par Paul Reboux (Flammarion) - (p. 186-187) ; Les contes arabes de M. Laroze, par Léon Baranger (Crès) ; A la paresseuse, par Léon Devy (Sansot) ; Au-delà du Capricorne, par Marc Saunier - (p. 187) ; Memento : Les nouvelles de Paul Lintier, Un Croquant, sont hautes en couleur et savoureusement contées. - On peut toujours relire les premiers livres de M. Paul Adam : Jeunesse et Amours de Manuel Héricourt est de ceux-là, il console du dernier. - Henry Malherbe a écrit pour La Chasse au réel, de Paul Hervieu, une préface qui est un bijou de style. - Dans Sourires et Grimaces, Alfred Joubert prouve qu'il était un chroniqueur spirituel et un ironiste cinglant. - Le Terrien Cailloux que campe Gabriel Maurière est un type de paysan politicien, admirablement observé. - Et M. Ernest Gaubert a obtenu cette année pour L'Amour Marié la bourse nationale de voyage (prose) que le même jury refusa - et comment ! - l'an dernier au poète Léon Deubel. Singulier jury !.], comptes rendus (p. [185]-187)
Marcel Martinet : Littérature [Louis Carpeaux, Pékin qui s'en va (A. Maloine) et Henri Mylès, Instantanés d'Extrême-Asie (Sansot) - (p. [188]-189) ; Pierre Lièvre, Ah ! que vous me plaisez ! (Bibliothèque des Marges) ; Daniel Halévy, La Jeunesse de Proudhon (Les Cahiers du Centre, fév.-mars 1913 [Figuière]) ; Jean Muller et Gaston Picard, Les tendances présentes de la littérature française (Basset) - (p. 189) ; Henri-Martin Barzun, L’Ère du Drame (Figuière) - (p. 190) ; Memento : Henry-Marx, La statue enchantée, pièce en trois actes, en prose (Grasset) ; Hubert-Fillay, Étapes sociales (Figuière) ; Léon Brondet, D'un art social (Les Facettes) ; Georges Walder, L'Hydre ou les trois harangues. Confessions (L'Estrade) ; Louis Estève, Une nouvelle psychologie de l'Impérialisme. Ernest Seillière (Alcan)], comptes rendus (p. [188]-190)
Roger Frène : Les revues [Deux nouvelles publications m'ont vivement attiré. Dans l'une, L'esprit pur, tous les articles sont anonymes. Elle publie un "Moïse" fort méritoire, tout à fait à la façon de Vigny et surtout un conte verveux et d'un riche vocabulaire : "Pierre de Sangsuier". Dans l'autre, La Revue Libre, on distingue d'excellente critique et de jolis vers de René Féron et de Louis Piéchaud. / Le Gay Sçavoir est de format plus copieux et d'un ton plus assuré : les noms que nous présentent ses sommaires sont d'ailleurs connus. Voici des vers de Mandin, Combette et Vérane, une prose juvénile et charmante de Gabriel Reuillard et une sérieuse chronique des revues, signée Henriette Charasson. / Je ne vois que La Phalange qui donne à cette rubrique des revues une extension complète. Marc Brésil et Louis de Gonzague-Frick ont entrepris, avec cette chronique, une oeuvre intéressante et de la plus grande utilité : l'effort des écrivains y est en détail et excellemment discuté. / Le désir d'élargir le type de la "revue jeune", de donner des œuvres plus significatives et plus importantes, autre chose que des essais hésitants, semble avoir poussé Nicolas Beauduin à faire paraître La Vie des Lettres, recueil anthologique assez semblable à Vers et Prose. Le premier n° est excellent, plein de noms illustres, et de quelques autres. On a dit en diverses chroniques que Mme de Noailles avait donné à ce recueil un de ses meilleurs poèmes ; c'est celui qui ouvre le fascicule ; pourquoi les vers de Mme de Noailles ne me causent-ils plus la moindre surprise ; serait-elle déjà dépassée par son temps ? C'est probable : elle apportait trop peu de nouveauté. Vielé-Griffin, au contraire, a vu sa renommée s'accroître de jour en jour ; les vers qu'il donne ici sont des plus gracieux. - A lire encore l'excellent article de T. de Visan pour exposer la doctrine de Bergson. / Pan a publié "Printemps" de Marie Dauguet... / Le Cahier des poètes a donné plusieurs bons articles de Francis Carco sur la poésie, qui étaient suivis d'une série de poèmes. MM. Charles Calais, Léon Géry, Jean Savoye et Victor Rocca ont réussi à faire de leur revue une publication vivante et variée. / Les Soirées de Paris publient d'amusantes et curieuses monographies de journaux par Emile Zavie : Le Temps, l'Echo de Paris, etc..., Burdigala, de jolies fantaisies rimées d'Ozone ; Le Divan, avec une bonne étude d'Henry Dérieux sur Gilbert de Voisin, d'exquis petits poèmes de Derème. / Vers et Prose a publié la "Diane de Poitiers" de Maurice de Faramond. Cette pièce est dédiée "A la beauté nue"... ; Rodumna nous offre une conférence de Louis Mercier sur un poète forézien qui ne fut pas loin d'être classé grand poète français : Victor de Laprade... ; Le dernier fascicule du Mercure s'honore d'un noble article de Duhamel sur la mort de Deubel.], chronique (p. [191]-192)

samedi 3 juin 2017

L'ILE SONNANTE N° 29 - JUIN 1913

L'ILE SONNANTE
N° 29 (Juin 1913)
[Date de publication : Juin 1913 - Couverture : Année (4e), Numéro, Date, Titre (en rouge), Sous-titre, Périodicité (Paraissant tous les deux mois), Sommaire, Prix du numéro, Adresses (Direction et Administration) - 2e de couverture : Titre, Adresse, Rédaction ("Le Mardi soir de 8 h. à 10 h. (Sauf du 1er Mai au 1er Octobre)"), Mentions ("Toutes les communications relatives à la rédaction devront être adressées à M. Michel Puy, 21, rue Rousselet, Paris (VIIe)" / "Tout ce qui concerne l'administration de la Revue (abonnements, mandats, demandes de numéros), devra être adressé à MM. Georges CRES et Cie, édit., 3, place de la Sorbonne, Paris (Ve)"), Direction (Tristan Derème, Roger Frène, Michel Puy), Comité de rédaction, Mentions ("Les auteurs sont seuls responsables de leurs articles" / "Les manuscrits seront retournés aux auteurs qui en feront la demande, mais l'Administration de la Revue décline toute responsabilité en ce qui concerne les manuscrits qui viendraient à être perdus ou détruits." / "L'Île Sonnante paraît 6 fois par an : les 1er février, 1er avril, 1er juin, 1er août, 1er octobre et 1er décembre."), Abonnement, Mention ("Les abonnements dont le montant sera recouvré par la poste seront majorés de 0 fr. 50.") - 3e de couverture : Page publicitaire pour "Georges Crès et Cie" (Collection "Les proses" / Publications de luxe) - 4e de couverture : Page publicitaire pour Georges Crès et Cie (Les Maîtres du Livre, collection d'ouvrages de luxe publiée sous la direction de Ad. Van Bever) - Bas de Page 143 : Gérant, Imprimeur - Page [144] : Page publicitaire pour "Georges Crès et Cie" ("Les poètes de notre temps" ; "Nos portraits : Nous tenons à la disposition des amateurs une série de Portraits de Paul Verlaine, Charles Baudelaire, Villiers de L'Isle-Adam, Remy de Gourmont, Emile Verhaeren, Maurice Barrès, Henri de Régnier, J.-K. Huysmans, Stendhal, Pierre Louÿs, J. Barbey d'Aurevilly, J.-J. Rousseau, Mme de Warens, etc., dessinés et gravés sur bois par P.-E. Vibert. Ces portraits tirés à 25 ex. sur vieux japon, à grande marge, signés et numérotés par l'artiste, se vendent séparément au prix de 20 fr.") Pagination : 48 pages]
Sommaire
Michel Puy : Géographie de l'Île Sonnante, étude (p. [97]-103)
Marcel Martinet : Poème : Un chant, bien-aimée, un chant nouveau !, poème en vers libres (p. [104]-107)
Roger Frène : Le livre d'heures, récit (p. [108]-115)
Lucien Christophe : Action de grâces [poème en vers libres] (p. [116]-117) ; Art poétique (p. 117-118), poèmes (p. [116]-118)
Charles Callet : Le poème révélé (conte d'Irlande), conte [A Madame Paul Vulliaud, très respectueusement] (p. [119]-122)
CHRONIQUES
Tristan Derème : Chronique des Poèmes [Francis Carco : Chansons aigres-douces - (p. [123]-126) ; Fernand Divoire : Poètes (Bibliothèque des Entretiens Idéalistes) - (p. 126-131)], comptes rendus (p. [123]-131)
Louis Pergaud : Les Romans [Les Amours ennemies, par Lucien Rolmer (Figuière) - (p. [132]) ; Le Sursinge, par Edme Tassy (Sansot) - (p. [132]-133) ; Manuscrit trouvé dans une île, par Luc Durtain (Crès) - (p. 133) ; Le Mal de la Gloire, par Henri Allorge (Sansot) - (p. 133-134) ; Mémoires d'un Prisonnier, par Leonid Andreieff, traduit par Serge Persky (Fontemoing) - (p. 134-135) ; Memento : La Cure, par Léon Baranger (Crès) - (p. 135-136) ; Les Nuits, les ennuis et les âmes de nos plus notoires contemporains, par Ernest La Jeunesse (Perrin) ; Le Retour ou Mes Maisons, par Charles Morice ; Cent sonnets, par Pascalon - (p. 136).], comptes rendus (p. [132]-136)
Michel Puy : Les revues [Une revue nouvelle, La Gazette indépendante, fait une enquête sur le vers libre... ; En même temps que des vers de Camo, les Marges nous apportent un sonnet de Rémy Belleau, poète dont les œuvres sont trop oubliées... ; Les Cahiers d'aujourd'hui (avril) contiennent des dessins de Marquet et de Matisse. Léon Werth y parle d'Octave Mirbeau... ; A propos du livre récent de M. Roger Marx sur "l'Art Social", M. Tristan Leclère écrit dans la Vie (26 avril) : "Faire de l'école un lieu aimé ; mettre sous les yeux de l'enfant de jolies images, c'est déjà beaucoup"... ; Dans l'Arène, M. J. Devergie étudie une maladie du siècle, la statuomanie, et les Entretiens idéalistes consacrent leur n° d'avril à Ozanam qui n'a pas, je crois, de statue. Dans le Mercure, M. Georges Eekhoud entreprend de démontrer qu'on raille souvent à tort le langage belge... ; La Nouvelle Revue Française continue la publication du "Journal d'un milliardaire" de Valery Larbaud et la Phalange celle des lettres de la Brousse de Robert Randau ; la Phalange nous apporte en outre régulièrement depuis quelques mois une chronique des revues très soignée, due à Louis de Gonzague Frick et à Marc Brésil. ; Vers et Prose publie intégralement le beau drame de Maurice de Faramond : Diane de Poitiers, dont l'Île Sonannte donnait un fragment dans son dernier numéro. Le second n° du Gay Sçavoir est d'une tenue remarquable. Le Divan contient un article de Louis Thomas sur Tristan Derème. ; Enfin je signalerai dans les Soirées de Paris une suite d'articles d’Émile Zavie sur les journaux de Paris et des notes de Sébastien Voirol sur Paul Adam... ; Et dans les Bandeaux d'or (avril), M. Jouve parle de Jules Romains, M. Arcos de Duhamel, M. Castiaux de Duhamel et d'Arcos. J'ajoute qu'on ne peut suivre avec indifférence l'effort littéraire de MM. Romains, Vildrac, Chennevière et Varlet.], chronique (p. [137]-140)
R[oger]. F[rène]., M[ichel]. P[uy]., P[aul]. V[imereu]. : Notes, notes [Eugène Viala. - signé R. F. - (p. 140-141) ; L'Homme libre. - signé M. P. - (p. 141-142) ; Jeanne d'Arc et le Huron. - signé P. V. - (p. 142-143) ; La Nouvelle Édition Nouvelle - (p. 143)] (p. 140-143)
Document
"Géographie de l'Île Sonnante"
Est-il une science plus que la géographie propre à nous procurer ce bien-être physique qui naît de l'exercice de toutes nos facultés ? Tout d'abord, quand nous prenons contact avec ces cartes qui sont comme les symboles de cette science, elles ne proposent aucune limite à la spéculation. Comme des figures géométriques, elles présentent des constructions abstraites dans lesquelles l'esprit reste libre d'introduire les systèmes les plus divers.
Puis, peu à peu, comme des cercles ou des triangles qu'un artiste fait rentrer dans une composition décorative, ces constructions s'animent et revêtent chacune une vie particulière. Des noms familiers et lointains comme ceux des légendes agitent sur elles leurs sonorités émouvantes : PARIS, et l'on dirait qu'une aube en fleurs annonce la naissance de la ville-lumière, où des femmes graciles sourient aux rayons du jour et reçoivent sur leur chair les caresses d'un soleil doux, dans des attitudes puérilement amoureuses ; LONDRES : des brouillards s'élèvent rapidement comme les fumées de l'incendie dans un décor de théâtre, des sirènes menacent la ville, des cabs poursuivent des passants fantômes ; SINGAPOUR : sur des eaux illuminées, des jonques légères comme des libellules secouent leurs rames ainsi que des ailes frénétiques et bondissent près des wharfs où des coolies jaunes déchargent des ballots odorants ; MISSISSIPPI : une énorme masse liquide emporte des bateaux ivres, "porteurs de blés flamands et de cotons anglais", devant la fuite éperdue des terres plates et humides ; AFRIQUE : le sable est parsemé de poudre d'or comme la perspective des romans de Flaubert, des nègres peints par Dürer et par Rembrandt rient sous des cotonnades bariolées et, dans des masures splendides, des femmes aux yeux cernés, d'une beauté éclatante, font craquer sous leurs ongles le corps des petits poux semblables à des grains de pollen.
Enfin, pour qui s'approche davantage de la géographie et l'étudie plus longuement, l'initiation, comme il arrive dans toutes les sciences et dans tous les arts, lui enlève son mystère, mais la peuple de réalités et l'enfonce plus profondément dans la vie. Elle nous familiarise alors avec tout ce que l'univers renferme, tout ce que l'industrie des animaux et des hommes a créé. Des images précises se dressent devant nous, des chiffres, des statistiques nous sont révélés. Des fleuves sinuent en se livrant sous les feux du ciel à mille fantasmagories ; des hommes travaillent la terre ou obéissent à des sifflets d'usines ; ici la vigne monte aux branches de l'ormeau ; là les feuillages vert-de-gris des oliviers semblent suspendus au-dessus de la terre rouge comme la poudre sur les joues d'une coquette. Chaque pays a son aspect, ses races, ses produits ; le Dauphiné est fier de ses montagnes, la Toscane de sa langue et la Provence de son mistral ; Valence a ses oranges, Marseille sa bouillabaisse et Lisbonne les Lusiades ; et l'on ne peut parler de Venise sans voir la lagune, de Poitiers sans imaginer Notre-Dame-la-Grande ; en Californie, l'or n'est plus un métal précieux, de Kœnigsberg on expédie dans toutes les universités du globe les greffes de la morale kantienne et à Bar-le-Duc les places publiques sont pleines de gens qui préparent des confitures. En un mot, chacun, savant, explorateur, économiste, archéologue, industriel, gourmet, sait demander à la géographie les renseignements qui l'intéressent.
Dans ce vaste monde de prairies, de déserts, de villes et de doctrines, le géographe s'inquiète de situer l'Île Sonnante. Volontiers il se la figurerait sous un ciel clément, baignée d'une mer caressante, par 43° de latitude N. et 4° de longitude E. du méridien de Paris. Mais les documents bientôt le détrompent ; il s'étonne de la variété des sites et de l'étonnante diversité des climats. Dans son domaine étroit, cette petite île semble résumer la France tout entière. Elle ne possède ni fleuves terribles, ni emphatiques chaînes de montagnes. Tout au plus, aux confins de son territoire, croit-on apercevoir au loin la ligne bleue de hauteurs qui ressemblent aux Pyrénées : là coule une rivière capricieuse comme la Garonne, sur les rives de laquelle des jeunes gens fument la pipe en cherchant des vers assonancés et des escargots. Telle partie de l'île rappelle la Bourgogne et telle l'Île-de-France. Dans telle autre, d'une plage réfugiée dans une crique, on croit distinguer au large, ô mirage, les palmiers des petites Antilles. Ailleurs, se rencontre une région qui a des points communs avec la Franche-Comté : des gas de campagne, sur des communaux plantés de bouquets d'arbres, se font la guerre à coups de cailloux et d'échalas et se jettent sur leurs prisonniers pour leur arracher leurs bretelles et leurs boutons. Dans une autre région un patriarche rend la justice, sous un chêne celtique, en remplaçant les considérants par des apologues empruntés à l'ancienne Grèce. Ici, le nom de Wimereux donné à une province nous fait penser au port et au sourire de Boulogne. Là, dans une contrée montagneuse et d'une vive lumière, traversée par un torrent semblable à ce Viaur où Georges Tournefeuille se noya en pêchant la truite, sourdent les eaux et les instincts de la nature primitive ; c'est comme un parc de fraîcheur et de clarté.
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On tend aujourd'hui à prêter moins d'attention à la configuration physique d'un pays qu'à sa constitution politique, à son organisation sociale. Parfois de détestables considérations de morale ou d'intérêt, inspirées d'un esprit de chauvinisme exagéré, privent le géographe de l'impartialité si désirable dans la science à laquelle il s'est attaché. Il se laisse aussi influencer par les éloges que tel peuple s'accorde à lui-même et répète les louanges que certaines nations préparent sur elles-mêmes et répandent avec la même touchante désinvolture que des "prière d'insérer". Telle nation dont le nom semble témoigner de ses origines religieuses, fait un grand commerce de statues : chacun des habitants y a son effigie, qu'il fait mouler et reproduire à un grand nombre d'exemplaires et que tous s'évertuent à exporter dans les nations voisines. Telle autre nation, dont les indigènes passent leur temps à lancer des dards, est prosternée devant une branche de bois mort à laquelle elle donne le nom de sceptre. D'autres admettent un dogme, ici protestant, là social, plus loin scolastique. Toutes ces croyances s'entrechoquent et occasionnent de nombreux conflits que ne peut apaiser la nomination de deux ou trois empereurs dont tous les peuples sont vassaux, mais dont le pouvoir est purement idéal. Ces conflits sont si nombreux qu'un écrivain, nouveau Machiavel, qui a essayé d'en étudier la succession, a pu de leur observation tirer les éléments d'un cours de stratégie.
La nation dont nous nous occupons ici doit-elle à sa situation insulaire ses caractéristiques qui sont un grand désir d'indépendance et une naturelle modération ? Les nations voisines lui ont souvent reproché sa politique "juste milieu". Quelques-unes ne lui pardonnent pas de n'être point dirigée par des idées d'extrême-gauche, d'autres de ne point s'incliner devant les doctrines de l'extrême-droite. Mais son principe est que la doctrine se dégage des réalités et ne les détermine point.
On a dit que l'Île Sonnante était gouvernée par des duumvirs ; en vérité elle a à sa tête un triumvirat dont l'un des membres est plus spécialement chargé du pouvoir exécutif ; et en fait une assemblée plus nombreuse, qui pourrait être comparée au Conseil des Dix, prend la plus grande part dans la conduite des intérêts de cette petite république.
Faut-il faire grief à ce conseil tout entier, ou seulement à quelques-uns de ses membres, d'avoir refusé "d'admettre un système philosophique, moral et social ?" La réponse serait qu'un système philosophique, moral et social est une construction de l'esprit humain, et qu'il n'est pas trop de toute une existence pour l'échafauder.
Ce qu'il y a de plus important dans la vie, c'est le fait de vie lui-même. La science peut classer, énoncer des lois, pressentir des forces nouvelles, suivre de plus en plus près les relations de cause à effet. Mais aussi féconde que soit l'explication des phénomènes, même les plus complexes, par la physico-chimie, ce sera toujours un étonnement pour le savant de voir la matière s'animer. Même l'hypothèse Dieu acceptée, vérifiée, l'ordre d'une volonté suprême s'imposant à l'univers, le mystère demeure tout entier.
Qu'autour d'un monarque toutes les forces d'une nation se groupent et travaillent, admirablement coordonnées, cela ne signifie pas qu'à n'importe quelle époque la seule présence au pouvoir d'un chef héréditaire doive tout vivifier et entraîner une période de prospérité.
Qu'une classe sociale, longtemps dominée par les autres classes, fasse preuve d'une vitalité naïve et violente qui lui permette de faire effort pour s'élever et pour conquérir dans un pays une puissance de plus en plus grande, cela ne veut pas dire non plus que cette classe soit supérieure aux autres et qu'elle ait les vues, la discipline, l'indépendance nécessaires pour conduire le pays tout entier.
Dans tout système de gouvernement, il peut y avoir un point où les diverses institutions fourniront leur plein de travail utile. Mais, ce point, elles ne s'y tiendront qu'un moment. L'existence d'une nation est faite de secousses, d'efforts perdus et de fausses manœuvres, comme l'intelligence d'un homme ne fournit qu'un rendement infime au prix des idées, des projets, des impulsions qui ont traversé son cerveau.
Il n'est possible de se prononcer absolument pour aucun système social ni politique. Volontiers l'esprit va aux théories excessives, qui seules peuvent le satisfaire. Mais la réalité dicte des solutions moyennes et commande la modération. L'homme qui a la responsabilité du pouvoir ne connaît plus cette certitude dont s'enorgueillit le théoricien. Il n'est plus pour lui qu'une sagesse : c'est de laisser aller la vie, en s'appliquant à stimuler les forces morales les plus nécessaires et à ralentir les éléments qui, par un développement  précipité, auraient action destructive.
On ne peut guère accepter qu'un homme, en prenant le gouvernement, explique des actes contraires à ses idées de la veille par ce fait qu'il est maintenant "de l'autre côté de la barricade". Ou alors il n'est plus question de gouverner, de servir des intérêts généraux, mais seulement de satisfaire des ambitions personnelles. L'homme d'opposition, s'il est sincère, doit se rendre compte que certains actes s'imposent à un gouvernement, quel qu'il soit. S'indigner, salir les individus qui sont au pouvoir, leur imputer les calculs et les vices les plus honteux, c'est un jeu de tout repos, un jeu auquel on gagne trop facilement pour mériter l'admiration.
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Cette passion d'aller aux opinions extrêmes, de se donner un système rigide, tient surtout à un manque de sûreté : c'est une plante faible, celle qui a besoin d'un tuteur.
L'homme qui, en face de toutes les circonstances, ne songe qu'à appliquer un système, nous fait penser à ce médecin qui traitait toutes les maladies par la saignée, à cet autre qui les prévient toutes par l'alimentation végétarienne.
A ces deux médecins, nous en préférons un  troisième qui, causant sans avoir l'air de rien, observe son malade, et qui, d'après le teint, l’œil, l'expression du visage, l'attitude, pressent le siège et la cause du mal et est amené ainsi à concentrer son attention sur l'organe fatigué ou affaibli.
Tous nos jugements doivent procéder d'une certaine justesse d'esprit, d'un certain équilibre de la pensée, mais il doit y entrer aussi une part de divination à laquelle on ne supplée pas en recourant à une formule ou à un système.
L'homme reçoit des leçons de la vie et ne lui en donne pas. Etudier ce qui est, voilà notre première règle. En somme l'Île Sonnante adopterait volontiers comme principe cette proposition par laquelle M. Jules de Gaultier résumait un jour la philosophie de Nietzsche : "Il n'y a pas de forces au-dessus de la force." A défaut de solution pour tous les problèmes, elle offre un moyen pour en poser les termes et pour en préciser la donnée.
MICHEL PUY.