Tancrède de Visan, Julien Ochsé, Louis Mandin, Louis Thomas, E. M., Louis Piérard :
Notes [Émile Verhaeren.
- Après les
Villes tentaculaires, les
Villes à pignons ; après la violence, la douceur. L'admirable talent de notre grand Verhaeren se renouvelle sans cesse et son aspiration se rajeunit à chaque livre nouveau, sans s'épuiser... - signé Tancrède de Visan ;
L'Encens et la Myrrhe, de Charles Grolleau.
- Le premier livre de M. Charles Grolleau,
Reliquiae, a passé trop inaperçu. Il était plein de songe désespéré, serti de poèmes de douleur et de paroles d'oubli. Il contenait des vers d'une forme et d'une essence rares... / MM. Louis Merlet et Edmond Rocher font précéder ou accompagner leurs livres de lettres d'Albert Samain. Le discret poète eût-il approuvé cette publicité ? Je trouve dans une de ces lettres en réponse à une demande de préface : "Par tempérament, par habitude, par goût instinctif, ces sortes de manifestations ont quelque chose qui m'éloigne..." Il y a du reste de beaux vers dans l'
Idole fragile de M. Merlet (...) et beaucoup de grâce simple dans la
Petite Patrie de M. Rocher. / Les
Mignardises de M. Charles Moulié sont composées de poèmes jeunes, souples, et parfois émouvants. - signé Julien Ochsé ;
Autres livres reçus.
- Edmond Périer : Estampes et Grisailles / Georges Duhamel : L'Homme en Tête / Guy de La Batut : Au Seuil de l'Idéal / Gaston Sauvebois : Après le Naturalisme / Charles Batilliot : Le Rosaire des Soirs / Isabelle Dudit : Amour et Maternité. - signé J. O. ;
Henri Allorge.
- En silence, loin des écoles, des cénacles littéraires, dans la solitude et l'humilité de son coeur fervent, Henri Allorge continue son oeuvre de poète sincère, de lyrique très pur. Voici son cinquième volume de poèmes :
L'Essor éternel ; cri de douleur et de pitié, lancé d'une voix grave et bien rythmée ; soupirs d'une âme dolente que la vie a blessée, mais sans éteindre la petite flamme lumineuse de l'espoir. Le livre se termine avec des poèmes au souffle large et des strophes puissamment orchestrées. ;
Alexandre Arnoux.
- Voici encore un tendre en qui la nature a mis ses complaisances. Les paysages d'âme et les aspects extérieurs de la vie se mêlent dans la même harmonie supérieure et cela s'appelle
Au grand vent... - signé T. V. ;
Le Temple sans idoles (Mercure de France).
- M. Alfred Mortier est à la fois un désabusé et un fervent, c'est-à-dire un homme qui sait, mais aussi un poète qui chante. Dans le temple de l'Amour, qu'il a beau dire sans idoles, il lui arrive encore de s'agenouiller, comme devant une présence divine... ;
Flûtes et Bourdons, par Ernest Pérochon. (Clouzot, éditeur, Niort). - Ce recueil, généralement faible et peu original dans le lyrisme, contient des notations réalistes et satiriques assez heureuses... ;
La Dame en noir, par Pierre Rodet. (Édition du
Beffroi). - L'auteur, comme beaucoup d'autres poètes avant lui, "rêve d'une dame" qu'il n'a jamais vue, dont il n'a jamais entendu parler, mais qu'il sait "belle étrangement"... ;
La Montagne et la Mer, par Émile Dodillon. (Lemerre). - Des vers édités chez Lemerre, cela ne peut être que régulier comme l'ennui et froid comme les trois cents recueils morts qui figurent au catalogue funéraire de la maison. Dans le livre de M. Dodillon, il y a pourtant quelques étincelles de poésie. - signé Louis Mandin
;
Au Clair de la Dune, par Théo Hannon (Paris, Dorbon). - Des vers amusants, très banvillesques, sur la mer, la mer d'Ostende, de Knocke, des plages à la mode en Belgique... Un art menu, léger, sans prétentions... - signé Louis Thomas ;
LES ROMANS / M. François de Curel. -
Le Solitaire de la Lune. (Dorbon). - Ce conte philosophique de M. de Curel sera rangé, plus tard, parmi les grandes œuvres de notre littérature. L'âpre pensée de M. de Curel, son pessimisme hautain lui vaudront les suffrages de tous les hommes qui ont quelque chose au fond du crâne. Cela ne veut pas dire qu'il aura deux cent mille lecteurs en un an... ; M. Abel Hermant. -On est au second empire, aujourd'hui, comme on était autrefois au XVIIIe siècle, au premier empire ou aux japonaiseries. M. Abel Hermant, qui excelle à saisir le vent, nous a donné les mémoires d'une dame de la galanterie de 1859 à 1871. Ces
Confidences d'une Biche (Lemerre) se lisent avec agrément... ; M. René Boylesve. -
La Poudre aux yeux (Dorbon). - M. Boylesve est, avec M. Jaloux, un des rares auteurs de ce temps qui sache ce que c'est que le roman de mœurs. Les contes que l'on trouvera dans ce volume sont tous sur de bonnes gens, un peu ridicules, tout à fait de notre pays, la France bourgeoise, que l'on aime et que l'on raille... ; M. Franz Hellens. -
Les Hors-le-Vent (Dorbon). - De bons tableaux de mœurs de la Belgique d'aujourd'hui, précis et justes... - signé Louis Thomas ;
LA LITTÉRATURE / L'Oiseau Bleu par Maurice Maeterlinck (Fasquelle).
- Cette féerie en cinq actes et dix tableaux est une œuvre exquise, et il est admirable qu'un penseur comme Maeterlinck sache évoquer aussi adorablement les rêves et les grâces de l'enfance... - signé L. M. ;
Ondine Valmore.
- Sainte-Beuve l'aima ; c'était une âme simple, un peu sèche ; le livre que vient de lui consacrer M. Jacques Boulenger (Dorbon, éditeur) nous la présente dans la calme lumière qui lui convient... - signé L. T. ;
L'Amiral de Coligny, par Charles Merki (Plon). - Livre de tous points excellents, par la méthode, la composition, le détail. De magnifiques portraits d'histoire... - signé E. M. ;
Emmanuel Chabrier. - Notre ami et collaborateur Legrand-Chabrier nous donne dans la collection de
La Grande Revue les lettres d'Emmanuel Chabrier à Nanine. Qu'est-ce que Nanine ? Une humble servante... ;
REVUES. - J'ai là, sur ma table une collection de
La Nouvelle Revue Française fondée au début de l'année par un groupe d'amis de M. André Gide.
Cette revue me satisfait : impression, format, tenue littéraire, choix des collaborateurs, jusqu'à la manière réservée et fine d'entendre la critique, tout y est honnête, raisonnable et sain. Je signalerai, entre autres articles, les traductions chinoises de M. Louis Laloy, des articles pondérés et justes de M. André Gide sur les rapports de la littérature et du nationalisme, des essais de M. Michel Arnauld, dont nous attendons avec impatience l'ouvrage sur Goethe, des poèmes de MM. Paul Claudel, Verhaeren, François-Paul Alibert, Francis Jammes, Edmond Jaloux, François Porché, un essai de M. André Ruyters sur Meredith, le début d'un roman de M. Édouard Ducoté... / J'ai éprouvé une grande joie à découvrir dans le numéro de novembre de la
Nouvelle Revue Française un long article de M. Michel Arnauld sur les
Cahiers de Charles Péguy. Une grande joie, dis-je, car la littérature est pour moi le seul domaine où je sente le besoin, la nécessité d'une justice. Et c'est une injustice à la fois sotte et flagrante que les intellectuels ne connaissent pas tous M. Charles Péguy et les admirables
Cahiers de la Quinzaine qu'il dirige et qui sont son œuvre... signé L. T. ; "
L'Ile sonnante". -
C'est le titre d'une revue dont le premier numéro vient de paraître. Au sommaire, Roger Frène et Léon Deubel, poètes connus, Michel Puy, qui le sera, Louis Pergaud, qui a publié des contes au
Mercure et des poèmes au
Beffroi, Auguste Callet, "un oublié", dont les notes posthumes sur des personnalités célèbres du XIXe siècle sont fort intéressantes ; Charles Callet, Francis Carco. Direction, 21, rue Rousselet, Paris. - L. M. ;
Artistes belges contemporains. - Qu'il y ait eu, en Belgique, au cours de ces vingt-cinq dernières années, un renouveau littéraire et artistique remarquable, il n'est plus besoin de le répéter. Mais que le public se soit transformé, qu'il y ait même un public, voilà qui reste très discutable. Les livres belges poussent, comme après la pluie, les champignons. (Je n'entends point dire par là qu'ils sont nécessairement tous vénéneux...) Que les conditions de la vie littéraire sont pourtant différentes de celle de Paris ! Il n'y a pas encore en Belgique un éditeur, le grand éditeur audacieux, entreprenant, voire un peu canaille comme doit l'être tout bon commerçant qui se respecte. Il n'existe pas parce que sans doute n’existe pas plus "la fonction qui doit créer l'organe". Et c'est ici qu'apparaît l'absurdité du nationalisme littéraire que d'aucuns ont fomenté et entretiennent là-bas sous la bannière de l'âme belge (une lame, dirait notre père Willy, qui vaut souvent celle des meilleurs Sheffield). [...] Or, voici un jeune éditeur qui à un goût parfait, à une intelligence très artiste, joint une science des affaires qui ne gâte rien, une audace qui lui a réussi jusqu'ici. Je veux parler de M. Gérard Van Œst de Bruxelles. [...] Je veux parler en détail de quelques ouvrages de la collection des artistes belges contemporains qui vient de s'enrichir d'une étude de M. Mauclair sur Victor Gilsoul. / On ne sait pas assez en France quel grand historien de l'art flamand et wallon nous avons en M. Camille Lemonnier. Cet écrivain ne nous a rien donné de supérieur à ses livres sur Meunier, Stevens et Braekeleer. Nul autre que lui ne pouvait écrire, sur Rops, les pages simples et ferventes qu'a publiées l'éditeur parisien Floury il y a quelques mois. [...] Lemonnier a silhouetté chez Van Œst son ami Émile Claus, le plus grand peintre belge actuel, éblouissant féeriste, sorte de Turner flamand qui est resté, parmi les plus grands succès, le simple, doux et fruste paysan d'Astene. [...] M. Gustave Van Zype, un chroniqueur avisé, (...), nous fait pénétrer dans l'intimité d'Eugène Laermans, âpre visionnaire des foules modernes, des détresses et des révoltes populaires. M. Paul Lambotte, grâce à des lettres précieuses que lui a communiquées le frère de l'artiste, définit exactement l’œuvre et la personnalité d'Henri Evenepoel, prématurément enlevé à l'art impressionniste... - signé Louis Piérard
] (p. [1]-6 du cahier vert)