LE JOURNAL DES POÈTES
2e année - N° 1 (15 Novembre 1931)
[Date de publication : 15 novembre 1931 - Page [1] en-tête (2 colonnes) : Année, Numéro, Prix, Date, Titre, Sous-Titre, Adresse, Téléphone, Compte chèque postal - Page [1] bas de colonne 2 : Encart ("Le Journal des Poètes publiera des pages consacrées à la Poésie moderne de nombreux pays. Sont actuellement en préparation : des pages allemande, anglaise, argentine, autrichienne, chilienne, cubaine, américaine (U.S.A.), égyptienne, esthonienne, finlandaise, néerlandaise, japonaise, mexicaine, portugaise, russe, suisse romande, uruguayenne, tchèque, etc. Une page sera également consacrée à la poésie dans les îles de l'Océan Indien.") - Page [2] bas de colonne 4 : Encadré (Comité Français du JOURNAL DES POÈTES / Céline Arnauld ; Géo Charles ; Paul Dermée ; Jean Follain ; Claire et Yvan Goll ; Pierre Gueguen ; Valery Larbaud ; Georges Ribemont-Dessaignes ; André Salmon) - Page [3] bas de colonne 1-4 : Mention ("Faites un abonné au Journal des Poètes.") - Page [4] colonne 2 : Encadré (Comité espagnol du JOURNAL DES POÈTES / Critique : Antonio Marichalar / Poètes : Pedro Salinas ; Jorge Guillén ; Damaso Alonso ; Gerardo Diego ; Vicente Aleixandre ; Rafael Alberti ; Claudio de la Torre) - Page [4] bas de colonne 4 : Mention ("Si nous étions plus profondément "poètes", nous vivrions mieux, d'une façon plus aiguë et, vis-à-vis d'autrui, plus gratuite.") - Page [4] bas de colonne 4 : Bulletin d'abonnement ; éditeur - Pagination : 4 pages]
Julien Lanoë : Polémiques : L'ABC de la poésie ou l'enfance terrible de l'art, essai [à propos de George Meredith] (p. [1 ; col. 1-2])
Yanette Delétang-Tardif : Oiseau de mer, poème ["de Vol des Oiseaux à paraître aux Edit. A. Guillet, à Paris."] (p. [1 ; col. 1])
Jean Follain : Entretien avec Valery Larbaud, entretien (p. [1 ; col. 3-4])
Valery Larbaud : Dévotions particulières : Marseille ; Valence-du-Cid, Milan, poèmes en vers libres inédits [Pour l'amie qui habite la rue des Trois-Madones] (p. [1 ; col. 3-4])
*** : Nos petites enquêtes hebdomadaires : Autrui et nous, enquête [réponses de Luc Durtain, Blaise Cendrars, Pierre Jean Jouve, Jules Romains, Armand Dehorne, Arthur Petronio, Louis Emié, Jean Ballard, Francis Jammes, Herwarth Walden, Kivimas d'Helsingfors, Eternod, J.-J. Rabearivelo, Jean Hytier, Watson Kirkconnell, Waldo Frank - voir ci-dessous] (p. [2 ; col. 1 ])
Henri Hertz : Les esprits animaux : Noël ; Meute ; Le Pot-au-feu ; Cour, poèmes en vers libres (p. [2 ; col. 2])
Jaime Torres Bodet : Danse, poème [traduction de Mathilde Pomès] (p. [2 ; col. 2])
Salvador Albert : I. Les heures ; II. Si par hasard..., poèmes [traduction de P. V.] (p. [2 ; col. 3])
Carlo Rodriguez Pinto ; Visage, poème ["Deux poèmes édités par l'auteur sur ses presses particulières. Paris. - Trad. M. Pomès] (p. [2 ; col. 3])
P[ierre]. B[ourgeois]. : Bonjour, Rictus !, compte rendu ["Il y a quelques jours, dans un local doré, au son de la musique mécanique, le Club des Écrivains belges a reçu le poète Jehan Rictus. Ce qui n'a point empêché la soirée de se vouer fervemment à la révolte et à l'instinct. / Et Louis Piérard qui présidait, dé féliciter son hôte d'avoir imposé une poésie simple, savoureuse et directe au moment où le Décadisme, le Symbolardisme régnaient..."] (p. [2 ; col. 3-4])
*** : Échos [F. T. Marinetti ouvre dans La Gazzetta del Popolo une vaste enquête sur l'état actuel de la poésie, tant au point de vue matériel et technique que spirituel... ; Faudra-t-il dire au lieu de chien et chat, "Poète et Savant" ? / Dans la Grande Revue, notre confrère Fernand Lot publiait récemment les réponses qu'un certain nombre d'astronomes, de physiciens, de biologistes, de chimistes, de mathématiciens, etc... lui ont faites aux questions suivantes : / 1° Aimez-vous les poètes et, si oui, quels sont vos poètes préférés ? / 2° Votre pratique commune de la science et de la poésie vous a-t-elle amené à quelque conclusion sur leurs rapports d'hier, d'aujourd'hui ou de demain ?... ; De Pourrières à Pourrières : / Le 31 juillet 1851, dans une famille de bourgeoisie paysanne, la naissance ; le jour de Pâques de 1920, découverte d'un cadavre en proie à la vermine et aux poux. Depuis trois jours, un mendiant infirme était mort. / Dans l'intervalle, Angleterre, Belgique, Allemagne, Paris, Syrie ; professeur ici, ouvrier là-bas, expéditionnaire ailleurs ; client de l'asile de Bicêtre, bohème luxurieux et gueux mystique. / Destin de Germain Nouveau, poète. ; Tandis qu'en France s'éveillait et s'épanouissait un romantisme cocardier et glorieux dans son pessimisme, chez le menuisier Zimmer qui habitait au pied du beffroi de Tubingen, de 1807 jusqu'en 1843, vécut Frédéric Hölderlin, lequel était né en 1870... ; Les extrêmes se touchent. Passionné de puissance, vedette du seizième siècle, Michel-Ange... et le déconcertant Verlaine, génie anxieux, mauvais larron admirable du 19me... ; Il faut savoir tuer avant de pouvoir manger... ; En 1875, parurent en France : 707 romans, 680 volumes de vers ; en 1913, 860 et 457 ; en 1923, 1.000 et 286... ; Avant guerre, Fiume dormait tranquille. L'avion, patache de demain, faisait ses premières ailes. / D'Annunzio, dont Albert Flament louait l'air "indéfinissablement gigolo", venait subjuguer Paris...] (p. [2 ; col. 4])
VOIX DE L'ESPAGNE MODERNE
Mathilde Pomès : Une soirée à Santander, étude (p. [3 ; col. 1-2])
Juan Ramon Jiménez : Lune sur la mer, poème [Du Cahier 5, Madrid, 1925 - Traduct. M. Pomès] (p. [3 ; col. 1-2])
Pedro Salinas : Amie, poème [Seguro Azar, Revista de Occidente, Madrid 1929] (p. [3 ; col. 3])
Vicente Aleixandre : Adolescence, poème [Poème tiré de Ambito, ed. Litoral, Malaya, 1928] (p. [3 ; col. 3])
Gerardo Diego : Absence, poème (p. [3 ; col. 4])
Damaso Alonso : Profondeur, poème (p. [3 ; col. 4])
Mathilde Pomès : La Poésie à la Conquête du Théâtre - Un Interview de Rafael Alberti, entretien (p. [3 ; col. 3-4])
Rafael Alberti : Poème de la mer, poème [de Marinero en tierra, Biblioteca Nueva, Madrid, 1926] (p. [4 ; col. 1])
Jorge Guillen : Élévation de la Clarté, poème [de Cantico, Madrid, 1929] (p. [4 ; col. 1])
Manuel Altalaguirre : Brise, poème [Poème tiré du cahier I de Poesia] (p. [4 ; col. 1])
Federico Garcia Lorca : Romana de la Lune, Lune, poème [De Romancero gitano, Revista de Occidente, Madrid, 1928 - précédé d'un instantané "Federico Garcia Lorca" par Mathilde Pomès - en note : "La présente page espagnole a été établie par Mademoiselle Mathilde Pomès qui en a traduit tous les poèmes. Nous la remercions pour son admirable collaboration.] (p. [4 ; col. 2])
Géo Charles : Coin de la poésie ethnique - Improvisation nègre du Zanguebar ["L'improvisation qu'on va lire a été rapportée par le Père Le Roy, dans la relation de voyage qu'il effectua à travers le Zanguebar, il y a 50 ans..."] (p. [4 ; col. 1-2])
E[dmond]. Vandercammen, P[ierre-Louis]. F[louquet]., P[ierre]. B[ourgeois]. : Sept Livres [Ville qui n'as pas de fin !, par Georges Friedmann (Edit. de la Nouvelle Revue française) - signé E. Vandercammen ; Éclaircies, par G. Trolliet (Edit. "Aux Nourritures Terrestres", Paris) - signé P. F. ; Marge des jours, par A. Copperie (Edit. "Sagesse", Paris) - signé P. F. ; Dix-neuf poèmes en béton armé, par A. Barigant (Edit. A. B., Bruxelles) ; Dix poèmes sans défense, par G. Derycke ; Le Printemps et Naissance de la Ville par J. d'Avron (Edit. Henriquez, Bruxelles) ; Statues de neige, par A. Marin (Edit. Rex, Louvain-Paris) - signé P. B.], comptes rendus (p. [4 ; col. 3-4])
*** : Le sottisier de la critique [En 1856 parurent les Contemplations de Victor Hugo. / "Il faut se hâter de parler des Contemplations, écrivit quelqu'un à ce moment, car c'est un de ces livres qui doivent descendre vite dans l'oubli des haines. [...]" / Quel est le critique solennel et grotesque qui tend à l'immortalité du cuistre ? nous demanderez-vous. Ni un idiot, ni un gâteux. Un bel écrivain passionné, au contraire : Barbey d'Aurevilly..." ; M. Firmin van den Bosch, éminent juriste et citoyen anobli, vient de publier des souvenirs de Jeunesse, dans lesquels il affirme notamment que La JEUNE BELGIQUE fit don aux Lettres Universelles du génie de Verhaeren... ; Que de consciences hautes ont été alarmées par la destinée d'Arthur Rimbaud ! Amertume, angoisse, mystère...] (p. [4 ; col. 4])
Document
"Nos petites enquêtes hebdomadaires
Autrui et nous"
- "Le Journal des Poètes ? Bah ! une petite chapelle de plus, un échange plus ou moins spirituel, obscur et prétentieux d'admirations", disent les sceptiques et les malins.
Nous croyons que notre effort est sain et efficace, qu'il vient à son heure et que déjà il s'impose.
Comment mieux le prouver qu'en citant quelques extraits de lettres qui nous sont parvenues ?
Nous nous excusons auprès des nombreux amis qui nous ont écrit leur confiance et parfois leurs regrets, de ne pouvoir citer ici et tous leurs encouragements et toutes leurs critiques. Parmi ce vaste courrier, une sélection s'impose que nous confions bien plus au hasard qu'à une discrimination systématique.
Paris, centre international d'invention littéraire, d'abord a répondu.
Ainsi Luc Durtain : "Votre courage et votre initiative me sont très sympathiques. La poésie, art véritablement majeur, a besoin de dévouements... Je lis votre journal d'outre en outre..."
Ainsi Blaise Cendrars : " Merci d'avoir pensé à moi. Vive la poésie ! Je ne manquerai pas de vous envoyer quelque chose."
Certains, inquiets, hésitent. Pierre-Jean Jouve, par exemple, se réserve : "J'ai de la sympathie pour votre effort mais je souhaiterais qu'il gagnât en profondeur et en efficacité : si vous vous montriez plus exigeants dans le choix des textes, si vous développiez la partie critique par l'examen et la comparaison des principales tendances de ce temps."
Austère et fervent poète, si vous saviez combien nous aussi, parfois nous sommes insatisfaits et souffrons de nos misères ! Le but est lointain et complexe. Mais les amis sont actifs et nombreux. Citons encore Jules Romains : "Vous savez quelle sympathie j'éprouve pour votre effort. Tous mes vœux pour l'œuvre si importante que vous entreprenez."
Le groupe surréaliste, lui, envoie des insultes également sottes, diversement signées : le caporalisme de l'extravagance. Heureusement, en dehors de l'agitation publique, des œuvres individuelles demeurent, qui confessent les âmes. La province française a donné aussi toute son attention à notre lancement.
De Lille, Armand Dehorne nous adressait un message affectueux qui déclare notamment : "J'apprécie tout particulièrement le caractère international du Journal des Poètes."
De Reims, Arthur Petronio nous complimentait : "Très bien, votre initiative ! La poésie a droit de cité dans les relations internationales."
De Bordeaux, Louis Emié : "Je vous félicite et pense comme vous que la poésie doit être défendue."
De son côté, le directeur des Cahiers du Sud, le marseillais Jean Ballard nous écrivait longuement :
"... Un tel journal ne me paraît pas devoir récompenser les efforts qu'il exige. Un Journal des poètes est forcément hétérogène puisque la poésie ne peut être standardisée...Cela dit, je reconnais qu'il n'y a guère de revue et aucun journal, encourageant la poésie d'une façon désintéressée. A ce point de vue, votre initiative est une oeuvre bienfaisante d'assainissement."
Dans sa solitude d'Hasparren, Francis Jammes est passé de la sympathie à la tristesse : "Votre Journal qui dans son premier numéro m'avait séduit comme une renaissance poétique et saine, m'apparut dans la suite, envahie par la corruption spirituelle la plus attristante."
Nous donnons volontiers une prime à celui qui établira qu'il y a contradiction entre notre numéro 1 et ses puînés. La versatilité n'est point chez nous, en l'occurrence...
Il ne nous est pas possible de signaler dès cette semaine les opinions de l'élite des autres pays. La place nous manque. Jetons pourtant une rapide œillade.
Herwarth Walden, de Berlin : "Comptez sur moi pour votre belle entreprise."
Kivimas d'Helsingfors : "Votre journal est intéressant, merci de vous intéresser à la poésie finnoise."
Eternod, de Genève : "Votre journal plein de choses curieuses ou agréables est unique."
De la mer des Indes, de Tananarive, Rabearivelo nous congratule d'enthousiasme :
"Votre initiative confine, hélas, à la témérité. La Poésie est, de nos jours, presque méprisée. C'est pourquoi du fond du cœur, par delà l'Océan, je vous bénis vous et les vôtres, qui réagissez avec tant de courage et de foi."
Jean Hytier qui professe à Téhéran nous envoie ses vœux :
"Je souhaite de tout cœur que vous réussissiez une entreprise aussi difficile qu'un hebdomadaire de poésie."
Au tour de l'Amérique, enfin.
Watson Kirkconnell, du Wesley College à Winnipeg :
"La partie critique du Journal a attiré mon attention..."
Waldo Frank, à New-York :
"Un Journal des Poètes !... Épatant !"
Exagérons-nous lorsque nous affirmons que dans la presse actuelle, notre effort porte dès maintenant une partie notable de l'espérance poétique ?
Aidez-nous. Vous sauverez la poésie.