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samedi 22 novembre 2025

TABLETTES N° 1 - OCTOBRE 1898

[Titre : TABLETTES - Complément de Titre : Bi-mensuelles - Littéraires et Politiques, puis, à partir du n° 3 (février 1899) : Mensuelles - Littéraires et Politiques - Dates de publication : Octobre 1898 (n° 1) à février 1899 (n° 4) - Périodicité : Bi-mensuelle, paraissant le 1er et le 15 de chaque mois (en réalité la revue paraîtra au rythme d'un numéro par mois) ; puis, à partir de la deuxième année, mensuelle - Lieu de publication : Paris, Bruxelles (pour les deux premiers numéros) ; puis uniquement Paris (à partir de la deuxième année) - Format : 170 x 250 mm - Couverture : Imprimée en noir sur papier crème - Pagination : 32 pages pour les deux premiers numéros (pagination suivie) ; puis 24 pages pour les deux derniers (pagination recommencée) - Prix et abonnements : Prix du numéro = 50 centimes (pour le premier numéro), puis 30 centimes (à partir du n° 2 de novembre 1898) ; Abonnement d'un an = 10 francs (France et Belgique), 12 francs (Etranger) ; Abonnement de 6 mois = 6 francs (France et Belgique), 8 francs (Etranger) pour les deux premiers numéros ; puis, à partir du n° 3 (janvier 1899), Abonnement d'un an = 5 francs (France et Belgique), 6 francs (Etranger) - Directeurs : Mécislas Goberg, Léon Parsons, Henri Vandeputte - Administrateurs : Léon Parsons, Henri Vandeputte - Collaborateurs [liste exhaustive] : Henri Dagan, Hector Depasse, Mécislas Golberg, Yves Guyot, Camille Lemonnier, Mauice Magre, Raphaël Mairoi, Henry Martel, Eugène Montfort, Léon Parsons, Alfred Paulet, Francis de Pressensé, Pierre Quillard, Ernest Renan, Arthur Toisoul, Henri Vandeputte, Francis Vielé-Griffin - Adresses des Bureaux de la revue : Léon Parsons (22, rue de Tocqueville, Paris), Henri Vandeputte (131, rue de Brabant, Bruxelles) ; puis, à partir du n° 3 (janvier 1899), Librairie Taitbout (76, rue Taitbout, Paris) - Editeur (à partir du n° 3 de janvier 1899) : Albert Wolff, éditeur (Librairie Taitbout, 76, rue Taitbout, Paris) - Gérant : Léon Parsons (mentionné seulement à partir du n° 3 de janvier 1899) - Imprimeur : Imprimerie S. Eggericx, rue Prince-Albert, 46 (Ixelles) ; puis, à partir du n° 3 (janvier 1899), Imprimerie Léon Frémont (Arcis-sur-Aube)]

TABLETTES
N° 1 (Octobre 1898)
[Date de publication : Octobre 1898 - Couverture : Date, Année, Numéro, Titre, Périodicité, Sommaire, Prix du numéro, Adresses des bureaux - 2e de couverture : Appel ("Nous prions nos lecteurs de nous envoyer tous les renseignements qui leur paraîtront intéressants pour nos TABLETTES."), Titre, Complément de Titre, Périodicité, Abonnement, Adresses, Bulletin d'abonnement, Mention ("La poste est chargée des recouvrements - Un an ou six mois.") - 3e de couverture : Encart (Ligue française pour la Défense des Droits de l'Homme et du Citoyen : Statuts, Siège social), précédé de l'appel suivant : "La réaction s'organise. - Il faut que les esprits libres prennent conscience d'eux-mêmes. - Il faut s'inscrire à la Ligue des Droits pour riposter à la Ligue des Faux." - 4e de couverture : Au prochain numéro (articles de Golberg, Martel, Psichari, Tailhade, Vandeputte, Verhaeren), Publicité et appel ("Achetez le Livre d'hommage des lettres françaises à Emile Zola" suit la liste des participants à l'ouvrage), Livres nouveaux (A la Revue blanche. L'Armée contre la Nation, par Urbain Gohier ; Chez Georges Balat. Images de Dieu, par Arthur Toisoul ; Poèmes confiants, par Henri Vandeputte ; Au Mercure de France. La Louange de la Vie, par Max Elskamp ; Un Mâle, par Camille Lemonnier ; La Lyre héroïque et dolente, par Pierre Quillard ; Oeuvres complètes d'Arthur Rimbaud ; Chez Stock. L'Affaire Dreyfus, par Bernard Lazare ; Propos d'un Solitaire, par E. Duclaux ; Avant le procès, par E. Duclaux ; La Révision du procès Dreyfus, par Yves Guyot ; A L'Effort. Le Jardin d'où l'on voit la vie, par Marc Lafargue) - Page 32 : Imprimeur - Pagination : 32 pages]
Sommaire

Mécislas Golberg, Léon Parsons, Henri Vandeputte : Notre But, éditorial (p. [1]-4)

G[olberg]., P[arsons]., V[andeputte]. : Par principe, polémique (p. 4-5)

Francis Vielé-Griffin : Communion, poème en vers libres (p. 6)

Francis de Pressensé : A propos d'un meeting, article [au sujet d'un meeting en faveur du capitaine Dreyfus qui aurait dû avoir lieu à la salle Wagram et dont les organisateurs ont été arrêtés] (p. 7-9)

Pierre Quillard : Une forme récente du nationalisme, article (p. 9-11)

Mécislas Golberg : Stéphane Mallarmé, étude (p. 12-14)

Arthur Toisoul : Les Filles et les choses, poèmes en prose (p. 14-15)

Henri Vandeputte : Lettre à un jeune homme, lettre fictive (p. 16-18)

Henry Martel : La Raison d'Etat, article (p. 18-22)

Sic. : Entre souverains, article [à propos de Félix Faure] (p. 22-23)

*** : Tablettes : Paris [du 13 septembre au 10 octobre] (p. 24-29), Bruxelles [du 3 au 30 septembre] (p. 29-32), chronique (p. 24-32)

Document
"Notre But"
Encore une fois un groupe de jeunes tente de réunir en un faisceau solide d'amitié et d'action ses espérances et ses efforts.

Notre revue n'apporte ni des programmes de vie définitifs, ni des prescriptions pour devenir des génies, ni des formules pour conquérir l'immortalité. Une foi commune nous unit : la foi en l’efficacité des efforts, le respect de la vie des foules et des individus, et enfin l'humble considération que la pensée humaine est une énergie et que le but de toute action intellectuelle n'est plus d'assujettir les hommes en les fascinant par les idées générales, mais de réveiller la vie propre à chacun, en semant des œuvres sincères et fortes.

Nous admettons ce que M. Fouillée appelle idée-force et nous croyons que la valeur d'une œuvre se mesure à ses qualités dynamogènes. Nous serons moissonneurs de vie et semeurs d'énergie. Nous tâcherons de nous pénétrer des événements et de les reconstruire en beauté.

La vie actuelle a atteint un tel degré d'impétuosité et d'intensité que, par antinomie, nous pouvons enfin, idéologiquement, lui donner les formes classiques de l'époque, c'est-à-dire exprimer par des procédés simples, par des lignes précises l'enchevêtrement des événements, des passions et des idées qui agitent les consciences contemporaines.

*

Nous sommes nés dans l'époque des débâcles. Les foules nouvelles apparaissent. Les retours se produisent. La régression menace la pensée, la vie et l'émotion.

Enfants des débâcles, comme génération, nous exprimons les deux tendances de la souffrance : la diminution de l'énergie vitale suivie de l'abaissement de la personnalité et l'accroissement de la force, en raison des malheurs, suivie de l'exaltation de la volonté. D'un côté se placent ceux de nos égaux que le drame contemporain a armés d'une façon vulgaire en leur apprenant de fâcheuses confusions et en leur donnant la ruse comme outil de la pensée.

Ces jeunes gens, que nous appellerons volontiers des vibrions idéologiques de notre ère crépusculaire, ont transformé les vérités en erreurs, et la force de créer en ruse de parvenir.

Ils ont des programmes néfastes. Leurs idées imprécises méprisent la vie, ils retranchent ceci, ils exagèrent cela.

Ayant pressenti comme nous l’intensité de la vie et la nécessité formelle de l’exprimer dans une forme définitive, ils ont pris, en fuyant la vie réelle, le chemin facile de clamer la simplicité et l'évidence utilitaire. Au lieu de comprendre que c'est la complexité de la vie qui a créé la Victoire de Samothrace et qu'il y a des tragédies sanglantes dans l'éclosion d'une modeste fleur des champs, ils se sont mis à faire des madrigaux, à semer des vérités faciles et à couvrir de mépris tous ceux qui se passionnent réellement.

Ayant senti l'insuffisance de la vie purement littéraire ou dogmatique de nos aînés, ils n'ont pas compris la grandeur de leur attitude et le rôle important qu'ils jouent dans l'évolution de la pensée. Au lieu de tirer des enseignements, ils ont pris le chemin vulgaire des attaques des aînés afin qu'on affirmât l'existence des cadets.

Ayant senti la nécessité de remplacer par quelque chose la vie discrète des cénacles, ils ont inauguré la diplomatie ès lettres, ès idées. Ils poursuivent leurs plans en trafiquants. Ils admirent les médiocrités qui les servent et méprisent les énergies précieuses qu'il est utile pour la joie de la populace littéraire de couvrir de boue.

S'étant emparés de quelques tremplins de la réclame contemporaine, ils ont groupé autour d'eux, une élite de rusés qui, marchant sur leurs traces, espèrent cueillir quelques éclats de la popularité. De façon qu'ils répandent autour d'eux la contamination de la maladie dont ils sont atteints et que – affirmant dans leurs actes la démoralisation des débâcles – ils donnent aux forces négatives un appui dangereux.

Telle ne sera point notre attitude. Nous prétendons appartenir à l'autre partie de la génération des désastres.

L'autre génération qui a passé par les mêmes malheurs, qui a assisté aux mêmes spectacles, a compris que toute confusion vient de l'arbitraire qui s'est introduit, peu à peu, dans le jugement et dans la vie.

Elle a compris que l'existence – si proche pourtant de la victoire – est exposée aux pires hasards, grâce à l'abandon des uns, aux ruses des autres.

Elle a compris que toute idée est vraie à condition qu'elle détermine une volonté sincère et qu'elle soit basée sur une émotion juste.

Elle a rejeté comme inutiles les phraséologies des sociologues étroits, les mots creux des lettrés, les appels des agitateurs fictifs. La vie actuelle lui a appris que seule l'émotion est la base de la vérité et que la juste ordonnance est le principe unique de la société en marche.

Elle a vu – cette jeunesse – des hommes aux principes dits arriérés marcher sincèrement pour la justice. Elle a vu un peuple égaré par le mensonge et les lâchetés. Elle a vu le pays secoué par des crises intenses, livré aux abominations des spéculateurs publics et, devant ces événements, au lieu d’adorer la lâcheté, elle s’incline devant la sincérité et la passion.

Aussi, malgré les malheurs qui fondent sur leur pays, elle espère : car elle est persuadée, que lorsqu’une nation broyée par le mensonge et l’arbitraire, a engendré un noyau de héros, cette nation vivra et saura secouer encore l’humanité de grands frissons.

Et aujourd'hui nous pouvons dire bien haut : Nous ne sommes plus un parti d'Idée, mais un parti d'hommes.

Nous honorons ceux qui orientent les foules et leur apprennent à vivre.

Nous honorons ceux qui, héroïquement, combattent les erreurs quelles qu'elles soient.

Nous honorons ceux qui, épouvantés par l'aberration de la démocratie, livrée, depuis trente ans, aux politiciens, sont sortis enfin de leurs retraites pour agir et éclairer.

Et nous espérons, à notre tour, sous d'autres formes, continuer le combat pour la précision et contre l'arbitraire.

Dans la génération qui se lève, nous sommes de ceux qui haïssent la raison, qui se détache du monde, et nous voulons reprendre la vie généreuse et pleine d'espoir de ceux qui glorieusement nous ont précédés.

*

Dans cette revue, nous nous mêlerons à la vie courante sans l'amoindrir. Nous discuterons les conditions de la vitalité des peuples, nous flétrirons la laideur sous toutes ses formes, nous tenterons de créer de belles œuvres. Par des méthodes rigoureuses, nous tiendrons à apporter de la clarté dans le domaine des faits et, par une science sincère de la vie, à ressentir la joie et la beauté.

Ayant pris l'émotion comme mesure de l'acte intellectuel, nous apporterons des œuvres qui réveilleront les forces, qui préciseront les évènements, qui grouperont les énergies.

Pour faciliter notre tâche, nous irons parfois demander des indications précieuses aux savants auxquels l'expérience de vivre a permis de concevoir les évènements du dehors et à nos aînés qui ont vécu si vigoureusement la vie intérieure.

Car nous voulons exprimer synthétiquement le double effort des savants et des lettrés des générations passées et, en donnant à notre sincère passion de vivre des formes adéquates, nous saurons enfin créer des œuvres qui apprendront à espérer, à aimer, à chanter, à mourir. Et nous sommes fermement convaincus que l'heure est proche pour ces œuvres et que chacun de nous, en apportant sa part, coopérera à créer l'architecture de la vie moderne qui souffre des inhibitions et des faiblesses de ceux auxquels les défaites ont appris la ruse au lieu de l'héroïsme.

Nous voulons rendre à la vie ses forces. Nous voulons la science du devenir, l'art de l'expression, le culte de l'énergie. La dynamique universelle, la fécondité de ce qui passe, l'immortalité de chaque effort positif – tels seront les uniques points de… notre programme. Aux erreurs des moralistes et des éducateurs qui soumettent l’existence aux lois de leurs prémices, à l’intellectualisme étroit des uns, à l’intellectualisme imprécis des autres, aux longs programmes des architectes de demain nous opposerons la dynamique des événements et l’art créateur des énergies.

MECISLAS GOLBERG,
LEON PARSONS,
HENRI VANDEPUTTE.