mercredi 17 décembre 2025

LES POÈTES DU MERCREDI CHEZ LIPP N° 2 - 1952

[Titre : LES POÈTES DU MERCREDI CHEZ LIPP - Dates de publication : 1951 (Cahier n° 1) à 1957 (Cahier n° 4) - Périodicité : Annuelle (non suivie) - Lieu de publication : Paris - Format : 136 x 184 mm - Couverture : Imprimée en noir sur papier marron (avec initiales des mots du titre en rouge pour le n° 1) - Pagination : 32 pages (pagination recommencée) - Prix et abonnements : Non précisés - Fondateur-directeur : Jacques-G. Krafft - Collaborateurs [liste non exhaustive] : Charles Barlande, Paul Bazan, Serge Brindeau, Simonne Chantalou, Claude Chanterive, Jean Follain, Maurice Fombeure, Georges de Givray, Marc-Adolphe Guégan, Jacques-G. Krafft, Jean Léger, Roger Lucas, Joseph Maurelle, Jacques Nielloux, Jean Royère, André Salmon - Editeur : Librairie Taffin-Lefort - Adresse : Librairie Taffin-Lefort (5, rue du Jardinet, Paris VIe - 16, rue Charles-de-Muyssart, Lille), à partir du Cahier n° 2 - Imprimeur : Imprimerie Taffin-Lefort (Lille)]

LES POÈTES DU MERCREDI CHEZ LIPP
N° 2 (1952)
[Date de publication : 1952 - Couverture : Titre, Numéro, Contributeurs, Editeur, Adresses - 2e de couverture : Muette - 3e de couverture : Muette - 4e de couverture : Muette - Page [1] : Faux-titre (reprise des indications de couverture) - Page [2] : Bibliographie des six contributeurs, membres du cercle Aliénor (Marc-Adolphe Guégan, Claude Chanterive, Roger Lucas, Georges de Givray, Jacques-G. Krafft, Jean Léger) - Page [32] : Table des matières ; Imprimeur - Pagination : 32 pages]
Sommaire

Georges de Givray : Prolemme, éditorial (p. 3-6)

Jean Follain : Le Champ, poème en vers libres (p. 7)

Maurice Fombeure : A la manière... (p. 8) ; Il s'en passe des choses pendant que vous dormez (p. 9-10), poèmes (p. 8-10)

Marc-Adolphe Guégan : Interrogatoire (Extraits), poème [dédicace : "Je t'ai compris, mon vieux Fombeure, / De ta couronne à tes sabots, / Paysan digne des châteaux, / Roi-Citoyen dans ta demeure."](p. 11-13)

Georges de Givray  : Aloès [à mes cousines Léonie Musso et Yvonne Durili - daté "Nice, août 1952"] (p. 14) ; Courage [à Marc-Adolphe Guégan - Extrait de Sept chants pour la délivrance du monde] (p. 15-16) ; Sacrilège [à ma nièce Jannie, ma lectrice assidue... - daté "juin 1952"] (p. 16) ; Cercle [au poète et à Madame Jacques-Krafft de Boério - daté "mai 1951"] (p. 17) ; Parallèles [à Jean Léger. Réponse à d'autres parallèles - daté "mai 1952"] (p. 18), poèmes (p. 14-18)

Jacques-G. Krafft : Pour Milosz (p. 19) ; Point mort ; Matériau sur le tas (p. 20) ; Jeune âge - Âge - Vieil âge (p. 21-22), poèmes (p. 19-22)

Jean Léger : Poète ; Au laboureur ; Larme (p. 23) ; Insomnie ; Chant du cygne (p. 24) ; Conquête (p. 25) ; Flaques (p. 26), poèmes (p. 23-26)

Claude Chanterive : Paysages (extraits), poème en vers libres (p. 27-29)

Roger Lucas : Le Temps de blasphème (fragments), poème (p. 30-31)

Document

"Prolemme"

Douze ans déjà ! oui douze ans depuis le soir où dans un décor d'ombres et de demi-silence, un Paris sévère et froid, quelques poètes liés par des affinités intellectuelles et les exigences de leur second métier décidèrent de se réunir tous les mercredis à 18 heures à la Brasserie Lipp...

Cette résolution était à l'époque comme une sorte de pacte contre la fatigue et l'abandon, la formulation même d'une résistance aux faciles entraînements du désespoir. Il s'agissait de continuer à penser, de redonner chaleur et sens aux idées, de se grouper pour demeurer chacun soi-même, d'affirmer enfin que cela était possible - mieux, nécessaire... L'an 40, ce millésime jadis synonyme d'insouciance, de désinvolte rendez-vous donné aux enfers, fut donc au contraire pour ces quêteurs de lumière, ces conspirateurs de l'impondérable, le point de départ d'une prise de conscience plus profonde de leur personnalité et de la signification spirituelle qu'ils entendaient conférer à leurs œuvres. Les initiateurs de ce défi aux amertumes de l'heure furent Jacques-G. KRAFFT et Marc-Adolphe GUEGAN. Jacques KRAFFT, bien connu sur la Rive Gauche autant par ses qualités d'animateur que par l'étendue de connaissances lui permettant de jouer sur le triple clavier de la poésie, de l'esthétique et d'une science quelque peu spagirique et subsidiairement hippocratique, s'était signalé en 1936 à l'attention des lettres en publiant L'Année infinie, œuvre touffue, foisonnante, d'une envolée capricieuse, où s'affirmait en un brio prosodique une des recherches formelles les plus originales et les plus séduisantes de notre temps.

Une telle position implique des devoirs. Avec leur charme persuasif, Jacques KRAFFT et Marc-Adolphe GUEGAN, l'aède de l'île d'Yeu, tendre rocher - et des belles harmonies océanes d'Oya-Insula - attirèrent Roger LUCAS, qui mûrissait alors une admirable Passion - maintenant célèbre dans toute l'Europe chrétienne, et le signataire de ces lignes, Georges DE GIVRAY, surtout absorbé par ses méditations théâtrales, mais qui commençait à rêver à Preuves, chant d'espoir et d'évasion que préfaça plus tard Jean ROYERE.

Tandis que, parallèlement, mais en une mutuelle estime, se créait et se développait à partir de 1942, auprès de ce premier noyau de poètes celui du truculent poitevin Maurice FOMBEURE et de Jean ROUSSELOT, brillants chefs de file de toute une piaffante génération de vates, de nouveaux apports fournirent à ce quatuor primitif une plus large innervation.

Ces inestimables adhésions s'accomplirent peu à peu sitôt la libération, tout d'abord celle de Jean LEGER, solide artiste du vers, intelligence éprise de concision et de fine élégance, douée au surplus de ce bonheur d'expression, de ce sens plastique si naturel aux natifs des terres occitaniennes. Les yeux pleins des promesses du monde mystérieux que par une lente décantation spirituelle elle a défini pour elle-même, la malouine Claude CHANTERIVE devint, elle aussi, une fidèle des rendez-vous du mercredi. Ses beaux rythmes empreints d'un mysticisme voilé, notamment ceux de La Forêt primitive furent une des révélations du premier Cahier des poètes du Lipp.

S'y rattachèrent souvent, au gré de leur fantaisie, Paul BAZAN, créateur omnivox, et Camille PEDREGA qui a égrené, depuis, la jolie monnaie des Poèmes d'un sou...

N'oublions pas Guy FERCHAULT, l'éminent musicographe auquel on doit, entre autres travaux, un remarquable Debussy.

C'est s'acquitter d'un agréable devoir que de mentionner en outre combien la présence de Denyse KRAFFT DE BOERIO, la fée de la Chandeleur, et de Suzanne DE GIVRAY ajoute à ces colloques de rayonnement et de bienfaisant équilibre.

Dans cette indispensable introduction, nous avons jusqu'à présent laissé de côté le solennel, le cérémonial, en autres termes ce qu'il est convenu d'appeler l'esprit du groupe, ses tendances, ses buts... etc... Pourquoi ? objectera-t-on,... parce que les Poètes du Mercredi ne se définissent point par des intentions - codifiées en quelque manifeste tonitruant, - encore moins par des ambitions, mais par une sorte d'état d'âme, un mépris des compromissions fructueuses, une exigence de la forme, enfin un dédain absolu des tabous et engagements à la mode. Venus chacun d'horizons différents, désireux les uns comme les autres de conserver, d'exaspérer même leur individualité, ces croisés solitaires, ces insulaires de l'inspiration concrétiseraient leur position, si cela n'était point trop ambitieux, en la fameuse formule : l'Unité dans la Diversité... Du moins y tendent-ils. Aussi pour eux pas de jansénisme littéraire, ni de porte étroite ! Les poètes du mercredi ne rejettent personne, pas plus qu'ils ne prononcent d'excommunication ou n'instaurent de "dignus intrare". Les questions d'âge, d'opinions, d'éthique, de confession, etc... les laissent indifférents. Cela confère un attrait particulier à leur réunion, qui jamais n'exhale une odeur de "chapelle" ni de vieille barrique. De nombreux artistes, musiciens, peintres, sculpteurs, voire des psychanalystes, des mages, des explorateurs.... gravitent autour de nos poètes sans le moindre coupe-file ou mot de passe. Il serait facile de citer parmi eux, au hasard de la mémoire, André BLED, illustrateur musical des poètes, le portraitiste Line COUWEMBERG, Mme LOUTREL-TSCHIRRET, auteur de Les Astres et nous, où apparaissent les liens unissant la poésie et le Cosmos, le graveur Colette PETTIER, Madeleine CHASTENET DE GERY, animatrice éclairée et providence des plasticiens, sans oublier, dernière recrue de marque, Ania TEILLARD, illustre disciple de JUNG, que ses importantes études Le Symbolisme du rêve, L'Âme et l'écriture placent au premier rang des écrivains de la psychologie des profondeurs... Mais la place manque pour une pareille somme de personnalités et de talents... Cette énumération nous amènerait aussi à signaler un fraternel coude à coude avec des romanciers possesseurs de leur forme, s'inscrivant dans la grande lignée balzacienne et proustienne, tels que Robert VIEL et Jean AIMOT. Pendant un temps, Jean ROYERE, le créateur de l'immortelle Phalange, l'esthéticien du "Musicisme", vint à intervalles réguliers apporter aux poètes la caution de son apollinienne autorité... Mais la mort de Marie ROYERE a rendu ses visites plus espacées. Celles de son ami et disciple, l'orphique Joseph MAURELLE sont heureusement fréquentes et témoignent d'une même volonté de transcendance.

La dernière initiative des poètes du mercredi a été la publication d'un Cahier périodique unissant, à côté de leurs signatures, celles d'invités de grande classe. Le précédent recueil s'honorait du patronage d'André SALMON et Jean ROYERE. Celui-ci a tenu à placer en exergue les renommées établies de Maurice FOMBEURE et Jean FOLLAIN, trop universellement connus dans le monde des lettres pour qu'il soit nécessaire d'en parler davantage ici.

Georges DE GIVRAY.

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