dimanche 23 janvier 2011

L'ART LIBRE N°18 - ÉTÉ 1911

L'ART LIBRE
N°18 (Été 1911)
[Date de publication : Été 1911 - Couverture : Titre, Sous-Titre ("Revue Mensuelle de Littérature et d'Art"), Sommaire, Marque (illustration représentant un chevalier armé), Adresse, Prix du N°, Date - 2e de couverture : Titre, Périodicité, Adresse, Directeur, Secrétaires de la rédaction, "Ont collaboré jusqu'à ce jour à L'Art Libre" (suit la liste des collaborateurs), Mentions ("L'Art Libre ne publie que de l'inédit. / Les auteurs sont responsables de leurs écrits et la Rédaction ne s'engage que pour les articles signés d'elle. Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Les droits de traduction et de reproduction sont réservés pour tous pays. / Il est rendu compte de tout ouvrage reçu. Nous prions MM. les Auteurs et Directeurs de journaux et revues d'adresser leurs envois aux titulaires des chroniques correspondant au caractère de leurs ouvrages, à L'Art Libre, 1, quai Rambaud : / Chroniques / Littérature, Philosophie : Joseph Billiet. - Les Romans : Antoine Vicard. - Les Poèmes : Henry Dérieux. - Littérature dramatique : Joseph Gravier. - Publications d'Art : René Vachia. - Les Revues : Paul Æschimann. - Notes : Louis Lenfant. - Chronique slave : William Ritter.") - 3e de couverture : Bibliographie. Service des Revues (suit la liste des titres reçus) - 4e de couverture : Titre, Périodicité, Adresse, "Le prix de l'abonnement à L'Art Libre est fixé à 10 francs par an pour la France et l'Étranger. Les demandes d'abonnement doivent être adressées, accompagnées d'un bon de poste, à M. Louis Billiet, administrateur. Les demandes de renseignements et toutes communications relatives aux éditions, doivent être également adressées à M. l'Administrateur. / Bibliothèque de L'Art Libre / Déjà paru : Henry Béraud. - François Vernay, peintre lyonnais (1821-1896) ; Opinions et Tendances, 1er fascicule. G.-Joseph Gros. - Les Yeux pleins de larmes, poèmes. Henry Dérieux. - Le Sable d'Or, poèmes. Joseph Billiet. - Introduction à la Vie solitaire ; Les Visages de l'Égypte, préface de Paul Adam (Eugène Figuière, éd., 7, rue Corneille, Paris) / Pour paraître : René Vachia. - Flûteries d'Automne. G.-Joseph Gros. - Douze mois d'adolescence. Henry Dérieux. - Le regard derrière l'épaule. Henry Béraud. - Opinions et Tendances. Joseph Billiet. - Narcisse sentimental - Page [593] : En-tête (3e Année, Numéro 18, Été 910) - Pagination : 32 pages]
Sommaire
Joseph Billiet : Testament (p. [593]-595)
Frédéric Guitard : Café-concert arabe (p. 596-598)

Gabriel Paysan : Le familier des cimes, poème [A Joseph Gravier] (p. 598-601)

Francis Carco : Poème (p. 602)

Joseph Billiet : Départs [A Théo Varlet - daté "avril 1910"] (p. 602-606)
LES RENAISSANCES
L'enquête que nous avons ouverte, sur la question des Renaissances, a eu dans le monde des jeunes littérateurs, le retentissement attendu.
Voici, dans l'ordre où elles sont parvenues, les réponses qui ont été adressées à notre directeur :
Réponses de : Charles Vildrac (p. 607-609), Léon Werth (p. 609), René Arcos (p. 609-610), Nicolas Beauduin (p. 610), Jean Richard, Directeur de l'Effort (p. 610-614), Jean-Marc Bernard (p. 614-615), Olivier Bag, Directeur des Marches du Sud-Ouest (p. 615-617)
Joseph Billiet : Conclusion [en épigraphe, citation de Charles-Louis Philippe : "Maintenant il faut des barbares. Il faut qu'on ait vécu très près de Dieu sans l'avoir étudié dans les livres, il faut qu'on ait une vision de la vie naturelle, que l'on ait de la force, de la rage même. Le temps de la douceur et du dilettantisme est passé. C'est aujourd'hui le commencement du temps de la passion."] (p. 618-620)
Joseph Billiet : Littérature [Tancrède de Visan : L'attitude du Lyrisme contemporain (Paris, Mercure de France), p. 621-622. - Robert Scheffer : Plumes d'oies et plumes d'aigles (édition de Pan). - André Gide : Charles-Louis Philippe (Figuière et Cie, éditeurs), p. 622] (p. 621-622)
Henry Dérieux  : Les Poèmes [Paul Claudel : Cinq grandes odes suivies d'un Processionnal pour saluer le siècle nouveau (Bibliothèque de l'Occident) - Albert Erlande : Le Poème royal (Mercure de France), p. 623 - Théo Varlet : Poèmes choisis (chez l'auteur, à Cassis) - Paul Feuillâtre : Le jeu de l'amour et du désespoir (La Belle Édition) - J.-G. Jordaens : Post... animal triste (id.) - P. de Bouchaud : Le Luth doré (Bernard Grasset) - Joseph Mélon : La Maison vers le Lac (Cahiers de la quinzaine) - Jean Azaïs : Les Mois qui pleurent, p. 624] (p. 623-624)

Document
TESTAMENT
Ceci est notre testament et notre épitaphe. Ici meurt L'Art Libre. Il se peut qu'un avenir plus favorable nous rassemble à nouveau sous son titre, qu'un seul d'entre nous même en assume une nouvelle réalisation. Pour ceux qui le fondèrent, l'œuvre de ces deux années s'arrête à ce jour. Les nécessités de la vie dispersent notre groupe : plusieurs partent au régiment et le directeur s'exile au Caucase, car, à moins d'être fonctionnaire ou rentier, il est impossible à un poète de subsister sur le sol français. Les plus jeunes qui sont venus récemment à nous, effrayés des difficultés qui composent l'existence d'une revue, ne peuvent reprendre le fardeau.

Nous devons en mourant faire notre examen de conscience. Avons-nous répondu à nos promesses. Certes, il nous est arrivé parfois de publier de faibles pages : les excellentes sont si rares ! Rendons-nous cette justice que notre critique s'est toujours tenue dans une honorable sévérité. Nous avons signalé tous les livres intéressants qui nous sont parvenus, toutes les tentatives que nous avons connues. Nous avons révélé des talents jeunes : les nôtres, ceux de nos amis.

De ce groupe assemblé autour d'un idéal : un raid à accomplir dans le désert lyonnais, - le souvenir restera de quelques gestes, de voix différentes mais unies, de tempéraments ingénument essayés, d'un courage ! Pour n'aboutir à nul triomphe, notre caravane s'enorgueillit pourtant de quelques affirmations, s'enrichit de quelques conquêtes. Dispersés, nous garderons le souvenir de l'atmosphère où nous vécûmes, fervents d'action. Nous y puiserons peut-être un enthousiasme pour les gestes que désormais nous accomplirons, seuls.

A vivre parmi nos frères avec quelque publicité, nous avons acquis une maturité et quelque assurance. Un autre profit, nous ne le cherchions pas. A Lyon, pour réussir, il faut être médiocre : nous n'avons pas réussi. Nous savons donc ne rien attendre de ceux dont le hasard nous fit compatriotes. Ils nous convient de nous déraciner d'un sol qui nous étouffe. Lyon n'est pas une patrie, qui, sans harmonie de ses colons à son site, refuse aux poumons avides une atmosphère de maison louche où trafiquent des financiers.

Colonie de publicains romains, Lyon, depuis deux mille ans, contient en ses maisons peu changées deux éléments différents : Celtes rêveurs et mystiques, fantasques, indolents, insatisfaits, et Latins rapaces qui supputent et pèsent, vivent d'argent et pour l'argent. D'incessantes invasions ont accru ce dernier groupe de recrues germaniques ou sémites.

On nous a reproché de n'avoir pas fait une revue lyonnaise, sans comprendre que seuls, peut-être, et sans y prétendre, nos chants exprimaient mieux que toutes théoriques affirmations l'âme du paysage lyonnais. N'est-il pas évident, d'ailleurs, que les plus Lyonnais de nos peintres lyonnais, les Vernay, les Carrand, les Guichard, les Puvis de Chavannes, restent incompris d'un public qui veut en art une impersonnelle marchandise, article d'exportation : Orsel, Meissonier, Chenavard, et d'autres que je n'ose nommer.

Il ne peut plus exister une âme lyonnaise ; nous l'eussions rencontrée dans nos recherches au jardin des âmes : nous n'avons trouvé qu'une banque où notre monnaie idéale nous fut déclarée n'avoir pas cours. Il convient de remercier ceux dont l'odeur, enfin reconnue, nous avertit.

Nous avions cru, aux apparences de nos voisins accroupis, vivre dans un temple et voici que nous nous réveillons au milieu d'un marché. Il n'est plus de notre temps de chasser du temple les vendeurs ; aussi bien ils sont trop et féconds en petits. Le geste ne pourrait être efficace et il est préférable d'espérer l'éclosion de suffisants énergumènes, que nous - ou d'autres - puissions changer de la besogne d'assainissement.

En attendant, chacun de nous s'appliquera en son temple intérieur à perfectionner ses différences tant détestées, où qu'il vive, fût-ce à Lyon, puisqu'aussi bien pour nous, c'est Lyon même et son uniforme hypocrisie qui nous les révélèrent. République de métèques et de pharisiens, sans même l'apparat de sa richesse, cité veule où la propreté même semble un luxe inutile, Lyon croupit au bord de ses fleuves, suppure aux flancs de ses collines ; et pourtant le soleil revêt d'or vert, de soie mauve, les brumes qui traînent, attristées, vœux plaintifs de la terre avilie qui se voile à la face du ciel.
JOSEPH BILLIET.

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