A[ndré]. S[almon]., [Maurice Maeterlinck], *** :
Notes [Charles Van Lerberghe.
- En ce vendredi premier de novembre, jour de la Toussaint, sur qui pèsent en nuages informes toutes les pluies, toutes les neiges, toutes les désolations de l'hiver menaçant, pour une fois encore, cette année, refleurissent toutes les tombes du monde chrétien, les plus anciennes comme les plus récentes. Hélas ! il en est encore de béantes. / Par ce temps, où l'optimisme est devenu méthode, une santé robuste est de bon ton ; pourtant l'automne est toujours fatale aux poètes. A son tour, Charles Van Lerberghe s'en est allé. Sa merveilleuse lucidité l'avait devancé dans le néant et c'est la Démence qui le livre à la Mort... ;
Alfred Jarry.
- Dans un lit d'hôpital est mort, au jour de la Toussaint, notre ami Alfred Jarry. Sa mort aura permis les plus étranges commentaires. Certains ont fait de lui une espèce d'ogre fumiste, vivant sur le souvenir de méfaits déjà anciens, et occupant ses jours à élever des chouettes dans un grenier. M. Claude Berton est mal renseigné, Alfred Jarry n'aimait qu'un hibou de porcelaine. D'autres le représentent ainsi qu'un philosophe désabusé faisant des mots dans les cafés littéraires. Quelques-uns qui le connurent mieux eurent plus d'à-propos, et dans le
Gil-Blas, Charles Doury sut lui décerner l'hommage des derniers venus. Mais les plus justes paroles furent prononcées par l'un de ses meilleurs amis, M. Alfred Vallette, qui trouva bien la caractéristique du cher disparu. Alfred Jarry ignorait tout de la vie. Aussi, ayant sur le monde des idées générales pittoresques, il ne chercha pas à approfondir davantage avant d'en tirer un parti artistique. Il créa selon son imagination et la loi d'un esprit rigoureusement mathématique. Cela n'alla pas, parfois, sans un peu de confusion dans infiniment de grandeur. Un jour viendra où prévaudra une opinion qui n'est pas seulement celle des écrivains du
Mercure de France, de
La Revue Blanche ou de
Vers et Prose, mais celle aussi d'illustres philosophes ou esthéticiens, et il faudra bien alors tenir
Ubu-Roi pour une immortelle tragédie burlesque, pour l'un des chefs-d’œuvre du génie français. / Alfred Jarry, déjà frappé, n'était point encore las. Ses excentricités durent innocentes et peut-on vraiment lui reprocher d'avoir, pour notre ébahissement, voulu trop souvent jouer son personnage au naturel ? C'était un parfait écrivain, un compagnon charmant, fidèle et distrait et moins nourri du venin littéraire que bon nombre de ses détracteurs. La mort qu'il fit danser sur son théâtre est venue enfin pour lui et c'est fini des folles spéculations : A la trappe ! pauvre Père Ubu. - signé A[ndré]. S[almon]. ;
Jules Renard à l'Académie Goncourt.
- Vers et Prose applaudit à l'élection de Jules Renard. Mais n'oublions point qu'il ne saurait s'agir ici de consécration. La gloire de ce grand maître classique est, dans nos mémoires, de date plus ancienne que celle du dernier banquet où s'affirma le goût certain de plusieurs nobles écrivains. ;
Une conquête morale.
- D'une admirable étude de Francis Vielé-Griffin sur le "vers libre" et le rôle du Symbolisme, étude parue dans la revue parfaite et si courageuse de M. Jean Royère,
La Phalange, nous publions cette conclusion, qui pourrait servir d'épigraphe à
Vers et Prose... ;
Jean Moréas avant les Stances. - La Librairie du
Mercure de France vient de réunir en deux volumes les anciennes poésies de Jean Moréas :
Les Syrtes, Les Cantilènes, Le Pèlerin passionné, Enone, Eriphyle, les Sylves. / A propos de cette nouvelle édition, M. L.-N. Baragnon publie dans le
Soleil une étude savante et harmonieuse... ;
Charles Cros. - Les poèmes inédits de Charles Cros, que nous publions dans le présent tome de
Vers et Prose, sont extraits d'un volume qui paraîtra ces jours-ci chez l'éditeur P.-V. Stock, sous le titre :
Le Collier de Griffes. Le volume, précédé de deux préfaces, l'une du fils de Charles Cros, le délicat poète Guy-Charles Cros, l'autre, scientifique, d’Émile Gautier, contient... ;
"Carcasses divines". - La nouvelle oeuvre de notre ami le dessinateur André Rouveyre, intitulée
Carcasses divines et dont nous avons détaché trois dessins :
Anatole France,
Maurice Barrès,
Jules Renard, est une suite de Portraits dessinés d'une plume âpre et rageuse au service d'une sensibilité aiguë et raffinée... ;
Lucien Monceau. - Lucien Monceau, frère de Mme Marguerite Moreno, vient de mourir après une longue souffrance. Il fut, parfait lettré, l'ami des poètes et leur très dévoué collaborateur au
Mercure de France où il assuma longtemps, avec un zèle charmant, une lourde part administrative.
Vers et Prose lui devait ce salut. ;
D'une lettre de Maurice Maeterlinck.
- 2 novembre 1907. / Mon cher ami, / ...
Vers et Prose voudrait-il m'aider à réaliser un projet qui m'est cher ? Il me paraît juste et nécessaire qu'un signe de beauté - (dont il faudra trouver la forme simple et pure) marque la terre où repose Charles Van Lerberghe, l'admirable et malheureux poète que nous pleurons. Je suis sûr que votre belle revue qu'il aimait si profondément ne refusera pas son appui à sa mémoire... /
Vers et Prose, pour sa part, aidera de tout son pouvoir à la réalisation de ce noble projet. ;
Le Livre pour toi. - C'est un très beau livre d'amour, de l'inspiration la plus ardente et d'une écriture vraiment classique, ce
Livre pour Toi, que Mme Marguerite Burnat-Provins vient de publier, en une édition de grand luxe, chez l'éditeur Sansot. Bientôt les lecteurs de
Vers et Prose apprécieront le remarquable talent, de prosateur de Mme Burnat-Provins, dont nous ferons paraître deux beaux contes inédits dans notre prochain tome. ;
Lire. - Éditions de E. Sansot et Cie, 7, rue de l’Éperon, Paris :
Les Amours et autres poésies d'Estienne Jodelle, Sieur de Lymodin publiées sur les éditions originales et augmentées de pièces rares ou inédites par Ad. Van Bever. ;
Stances, Sonnets, Rondeaux et Chansons de Vincent Voiture, choisis et précédés d'une très intéressante notice sur Voiture par Alexandre Arnoux.
Satyros de Goethe suivi de
Quatre Élégies Romaines et du
Journal traduits pour la première fois par les parfait lettrés que sont MM. Georges Polti et Paul Morisse. ;
Sully Prudhomme, par Pierre Fons, s'ajoute à la collection des célébrités d'aujourd'hui et sera consulté avec profit. ; Pour son
Alfred de Musset anecdotique, M. Alphonse Séché a choisi comme épigraphe : "L'anecdote est la menue monnaie de l'histoire". M. Alphonse Séché est un écrivain allègre et plein de modestie. ; M. Pierre Fons dont nous citons plus haut le
Sully Prudhomme publie enfin
Le Décor du Quattrocento. Ce jeune poète deviendra, sans doute, l'un des meilleurs esthéticiens de sa génération. ; Éditions de "L'Abbaye" :
Poèmes, un volume important de notre collaborateur Nicolas Deniker. Nous en reparlerons longuement. ; Au "Mercure de France" :
Dialogues des Amateurs sur les choses du temps, 1905-1907 (Épilogues, IVe série) par le maître Remy de Gourmont. ;
Au prochain "Vers et Prose". - Étude sur l’œuvre de notre ami Robert de Souza, par Tancrède de Visan ; proses de Louis Lormel ; vers de Louis Thomas, etc. ;
Ile de France, par Paul Fort. / Il sera parlé dans ce tome de la remarquable
Anthologie des Prosateurs français que viennent de publier MM. I. Fonsny et J. Van Dooren, chez l'éditeur Alb. Hermann, de Verviers ; ce livre est le pendant des
Poètes lyriques français des mêmes auteurs. ;
Conférences. - Au programme des cours et conférences pour 1907-1908 annoncés par l'Université Nouvelle de Bruxelles, nous relevons les noms de M. Louis Thomas qui doit parler des
Prosateurs français contemporains et de M. Louis Piérard qui parlera des
Poètes français contemporains.
] (p. [1]-7 du cahier vert)