mardi 12 avril 2011

LES GUÊPES N°26 - JUILLET 1911

LES GUÊPES
3e Année - N°26 (Juillet 1911)
[Date de publication : Juillet 1911 - Couverture : imprimée en noir sur papier jaune, 445 (référence à l'article 445 du Code d'instruction criminelle), Année, Date, Numéro, Titre, Périodicité, Épigraphe (citation des Guêpes d'Aristote : LE CHŒUR : Il n'est pas facile de m'adoucir, quand on ne parle pas dans mon sens.), Prix du N°, Dessin représentant une guêpe - 2e de couverture : Abonnement, Titre, Périodicité ("Revue mensuelle paraissant le 15 de chaque mois"), Directeurs : Jean-Marc Bernard et Maurice de Noisay, Secrétaire : Henri Clouard, "Les abonnements partent du commencement de l'année et sont continués sauf avis contraire", "La Revue ne publie que de l'inédit. Les manuscrits ne sont pas rendus. Les auteurs sont seuls responsables de leurs écrits.", Fondateurs, Collaborateurs, ("Tous ceux dont les articles auront été acceptés par la Direction") "Ceux qui ne collaboreront pas. - MM. Jean Aicard, Maurice Bouchor, Gaston Deschamps, Auguste Dorchain, J. Ernest-Charles, René Fauchois, Eugène Lintilhac, Jean Rameau, René Ghil, Saint-Georges de Bouhélier, Fernand Gregh, Robert de Souza et Jean Royère", Dépositaires (A Paris : La Nouvelle Librairie Nationale, 85, rue de Rennes (VIe) - M. Blanchard, 4, boulevard St-André (VIe) - M. Bénard, 11, Galerie de l'Odéon (VIe) / A Marseille : Librairie Antimaçonnique, 14, rue Montgrand / A Lyon : M. Lardanchet, rue Président-Carnot / On trouve également la Revue dans les principales bibliothèques des gares de Paris et de la Province), Titre (encadré de part et d'autre par "445"), "Adresser les communications / Concernant l'Administration : à M. Jean-Marc Bernard, Saint-Rambert d'Albon (Drôme) / Concernant la Rédaction : à M. Maurice de Noisay, 7, rue Paul-Saunière, Paris. / "Le Directeur et le Secrétaire reçoivent le mercredi, de 5 à 7 heures au siège de la Revue, à Paris, 7, rue Paul-Saunière"   - 3e de couverture : 445 (en note : Cet article du code d'instruction criminelle est en somme (notre modestie ne rougit pas de l'avouer) le meilleur article de notre revue. Aussi nous nous promettons de l'insérer douze fois par an)  - 4e de couverture : Encarts publicitaires (Objets d'Art.- Henri Michelon / Lisez tous : L'Action Française / Champagne "Aux Trois Fleurs de Lys" Brière et de Labaume, Reims / La Plume Politique et Littéraire / L'Action Française / Le Divan / Imprimerie Valentinoise / Grand Café Glacier, Rich Tavern / Le Courrier de la Presse / Biscuits Peyturaud / Revue Critique des Idées et des Livres / Revue Catholique et Royaliste / L'Âme Latine / Lisez aussi : Le Nord Patriote) ; Service des Revues (liste) - Pagination : 16 pages]
Sommaire
Jean-Marc Bernard : Le fond de la question du Latin [A M. Eugène Montfort]  (p. 161-163)
René Dumaine : Épigrammes : Sur Jean Royère ; Sur le prince Guy K. ; Sur Louis Pergaud ; Sur "Les Treize" ; Sur Sénancour ; Sur la Comédie Française (p. 164-165)

André Sonal : Les Filles de Racine (p. 166-170)

Armand Praviel : Un poète français [Sur André Mary] (p. 171-173)
J[ean].-M[arc]. B[ernard]. : Notes [Vient de paraître. - Das Verhalten der zeitgenossen lyrischen Kunst von Tancrède de Visan. Trotz der Aremdartigkeit ihren Gedanken, Herr Doctor T. de Visan (der Romantische Bube) bewegt sich in nâchster Nahe und Narhbar schaft des wirklichen Seins. Und dieses ist nichts audeces, ats die Polyusychie des menschlichen Ich. Que nos lecteurs veuillent bien nous excuser de leur présenter de la sorte le livre de M. T. de Visan. Mais lorsque M. Henri Albert aura terminé pour le Mercure de France la traduction française de l'Attitude du Lyrisme contemporain à laquelle il travaille en ce moment, nous leur promettons de revenir plus longuement sur cet ouvrage. ; Ainsi parla Mandin. - Nous lisons dans Les Marches du Sud-Ouest, n°2, p. 80 : "Quant au petit garçon qui, croyant servir un parti politique, a critiqué dernièrement le "mauvais maître" Vielé-Griffin, il est inutile d'en parler. Je lui ai fait une fois l'honneur de réfuter ses sophismes de pion. Il m'a témoigné sa reconnaissance en essayant de me mordre grossièrement, et, s'il ne l'a pas fait, c'est parce qu'il n'a pas de dents. Depuis je néglige de l'apercevoir". Fichtre ! Mais, dites-moi, ô Mandin, grand garçon, il me semble que vous en parlez plutôt suffisamment de notre ami Clouard !... ; Le Cortège des Dieux. - Sous ce titre, le poète Fernand Mazade fera paraître, prochainement, un important volume de vers... ; Décentralisation. - Le grand sculpteur Jean Baffier, vice-président de la Fédération Régionaliste Française, m'ayant fait l'honneur de me demander mon opinion sur les fêtes de Bourges projetées par la F.R.F., je lui ai répondu... ; Aux lecteurs. - Nous nous excusons du retard apporté à la composition de ce fascicule. Nous nous efforcerons à l'avenir de paraître plus régulièrement. Dans nos prochains numéros, nous publierons des pages de MM. André Lafon, J.-Roger Charbonnel, Gaston Picard, la suite des Scènes de la vie littéraire de Charles Moulié et des articles et épigrammes de nos rédacteurs habituels.] (p. 157-[160])
Document
"Le fond de la question du Latin"
A M. Eugène Montfort.
Au moment où M. Adrien Mithouard, défenseur jusqu'alors d'une littérature essentiellement nationale, reconnaît, dans sa revue : L'Occident, "qu'à bon droit la jeunesse reproche à ses maîtres de la Sorbonne d'avoir négligé la belle culture des humanités" ; au moment où il nous affirme que "la culture classique est un des modes, le seul qui soit aujourd'hui légitime dans les lettres, de notre tradition tout entière", voici M. Jean Royère qui lance une enquête sur l'inutilité du latin et qui écrit, dans Paris-Journal, un réjouissant article à ce sujet.

Mais je ne veux point le chicaner sur le plus ou moins d'opportunité de sa manifestation, mon désir n'étant pas d'amorcer une polémique. Je crois au contraire que nous devons au directeur de La Phalange de très sincères remerciements ; car son article du 16 juin nous permet de toucher le fond même du débat actuel.

M. Royère a posé cette question, des plus importantes : "Y a-t-il entre le latin et notre langue littéraire une promiscuité telle que l'artiste soit tenu de remonter aux sources primitives du français sous peine de ne pas faire œuvre d'écrivain ?"

A cette demande, les uns répondront : oui ; les autres : non. Pourquoi certains répondront-ils négativement ? La suite de l'article va nous l'apprendre.

M. Royère, après avoir assez justement constaté que le français logique, dérivé du latin, est une langue utilitaire, abstraite et conventionnelle, tandis que le français littéraire est une langue concrète et vivante, ajoute : "Les mots ne sont plus des signes, mais des sensations, des images". Voilà le nœud du problème. Pendant longtemps, on avait considéré le mot comme un signe représentant une idée ; aujourd'hui, nous ne devons le concevoir, semble-t-il, que comme un son chargé de nous suggérer une sensation. Je n'exagère pas. Et M. Royère de nous citer aussitôt ses auteurs, pour appuyer ses déclarations : "Le latin nous enseigne la propriété des termes, et Verlaine nous dit :
Il faut surtout que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise".
Que nos lecteurs se rappellent aussi la définition de M. Robert de Souza : "Il y a pensée chaque fois qu'avec n'importe quel sujet l'harmonie est étroite entre l'expression et son but. Et il faut ajouter : chaque fois que cette harmonie détermine une transmutation nouvelle"(I). D'où il résulte que toute sensation, tout sentiment, tout désir, toute émotion, toute vibration, etc., artistiquement exprimés, sont "pensée".

N'avais-je pas raison d'affirmer en commençant que l'article de M. Royère nous permettait de reconnaître le fond du débat ? La crise du latin, mais c'est la lutte entre l'intelligence et la sensibilité ! La crise du latin, ainsi débarrassée de toutes les questions qui ont été greffées sur elle, mais c'est, pour qui comprend et raisonne à peu près sainement, la condamnation de toute la littérature du XIXe siècle ! En effet : avec fracas, Hugo avait libéré le Mot. De cette liberté, le Mot n'a pas su se servir ; le voici réduit à l'heure présente en esclavage. On lui défend de signifier une idée ; on ne veut plus le considérer qu'au seul point de vue musical, pictural ou plastique. Autrefois pour traduire nos sensations, le cri, le râle et les onomatopées diverses nous paraissaient être les moyens les plus directs et les plus parfaits ; nous réservions les mots pour exprimer nos pensées.

Devinant tout au fond de notre être quelque chose de divin, nous mettions notre effort à nous élever, appuyés que nous demeurions sur notre sensibilité, jusqu'aux régions de la sereine intelligence. Nous utilisions sagement nos différences individuelles pour nous hausser jusqu'au type humain. Brusquement on vient nous crier : "Tu n'es rien que matière. Jouis, souffre, pleure et ris ; cela seul intéresse et les mots ne sont faits que pour traduire ton plaisir ou ta douleur, que pour imiter tes sanglots ou tes rires !"

Évidemment, si la littérature est désormais condamnée à n'exprimer artistiquement que les seuls conflits de la sensibilité animale, s'il lui est interdit de se faire l'interprète de la raison, M. Royère peut écrire : "Le talent littéraire est, pour une bonne part, indépendant des procédés de culture".

Mais cela n'est pas.

Remercions néanmoins le directeur de La Phalange. Son article nous apporte une nouvelle preuve de l'excellence de nos positions.
JEAN-MARC BERNARD.

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