C'est le 700e billet ! L'occasion est donc belle d'enrichir notre rubrique "Documents" informant la vie et l'histoire des revues littéraires d'une nouvelle pièce. L'intérêt pour le phénomène "petites revues" se développa en même temps que son apparition, suscitant d'abord la curiosité intriguée des critiques et des commentateurs, puis, au fur et à mesure de la multiplication des titres, devenant un véritable sujet de réflexion sur l'évolution littéraire. Il revient à Remy de Gourmont d'avoir, le premier, donné une forme à ce nouvel objet d'étude, en publiant son Essai de bibliographie (Les Petites Revues, Paris, Mercure de France, 1900) au point précis d'intersection entre le siècles dix-neuvième et vingtième. Puis il fallut attendre l'enquête de Maurice Caillard et Charles Forot sur "les revues d'avant-garde" publiée, après-guerre, dans Belles-Lettres (n° 62-66, décembre 1924), pour que la réflexion se poursuive dans une certaine continuité. Mais cette importante enquête fut-elle réellement la première du genre ? La lettre de Jean de Pierrefeu (1883-1940) que nous reproduisons ici semblerait signaler un précédent. Je préfère rester prudent dans la mesure où je n'ai pas retrouvé trace de cette enquête sur les "jeunes revues" dans la presse de l'époque ; et L'Opinion (1908-1938), journal hebdomadaire, à tendance nationaliste, paraissant chaque samedi, n'étant pas (encore) numérisé, il ne m'a pas été possible - en ce temps de confinement - d'aller vérifier à la source. Mais peu importe. Bien sûr, si cette enquête a été publiée il sera intéressant d'aller la lire, de répertorier les revues interrogées, d'en tirer des conclusions. Toutefois, si l'entreprise avorta, cette lettre prouve s'il en était besoin combien le phénomène des petites ou jeunes revues interpella périodiquement les observateurs de la vie littéraire. Datée du 13 avril 1908, elle est adressée à Jean Royère (1871-1956) qui avait fondé et dirigeait depuis 1906 La Phalange. Il s'agit probablement d'une lettre-circulaire qui fut envoyée à plusieurs meneurs de revues ; aussi offre-t-elle l'intérêt de détailler le questionnaire de l'enquête.
"Paris 13 Avril 1908
Mon cher confrère
Je suis chargé par le journal "l'Opinion" de faire une enquête sur les "Jeunes Revues", ces laboratoires mystérieux où se préparent la littérature et les idées de l'avenir, et que la critique officielle ignore volontiers. Il me semble qu'il conviendrait de mettre une fois le grand public dans la confidence de ce mouvement.
Voudriez-vous mon cher confrère m'y aider en m'envoyant, après avoir consulté vos amis, une petite profession de foi, où vous m'indiqueriez :
1° Les maîtres défunts ou contemporains que vous admirez plus particulièrement et auxquels vous vous rattachez.
2° Le sens de votre initiative et le but de vos efforts, et d'une façon générale vos idées littéraires, artistiques, philosophiques, sociales et à la rigueur politiques.
3° Laquelle des écoles existantes vous semble avoir les suffrages de la jeune littérature, ou pensez-vous qu'il s'en élabore une destinée à un avenir glorieux ?
En un mot je voudrai avec vos renseignements joints à ceux d'autres de vos confrères, pouvoir établir quelques mentalités de jeunes littérateurs modernes.
Avec mes remerciements, veuillez agréer mon cher confrère, mes meilleures salutations.
J. de Pierrefeu"
merci pour cet article très intéressant quant au phénomène début de siècle des enquêtes
RépondreSupprimerclaire b