[Titre : JEUX - Sous-Titre : Cahiers à peu près mensuels puis, à partir du n° 17 d'octobre 1936, Cahiers Georges Ardiot - Dates de publication : De mars 1934 (n° 1) à novembre-décembre 1937 (n° 25) - Périodicité : [à peu près] Mensuelle - Lieu de publication : Roubaix, puis, à partir du n° 17 d'octobre 1936, Melun - Format : 210 x 140 mm - Couverture : imprimée en noir et rouge sur papier gris - Pagination : 16 pages à 52 pages ; pagination non numérotée - Prix et abonnements : Le numéro = 2 fr (le n° 16 est mis en vente exceptionnellement à 3 fr.)., puis, à partir du n° 25 (novembre-décembre 1937), 3 fr. ; Abonnement de soutien moral = 10 fr. ou un carnet de timbres-poste, pour la première année, puis 15 fr. à partir du n° 24 (septembre-octobre 1937) ; Abonnement (Etranger), à partir du n° 18 (novembre-décembre 1936) = 15 fr., puis 20 fr. à partir du n° 24 (septembre-octobre 1937) - Directeur : Georges Ardiot, puis, à partir du n° 17 (octobre 1936), Louis Ardiot - Secrétaire de rédaction : G. Paul-Henri [pseud. de Georges Ardiot], puis, à partir du n° 17 (octobre 1936), Louis Van Dhieer - Comité de rédaction : Georges Ardiot (jusqu'au n° 16 de juillet 1936 compris), Louis Ardiot (à partir du n° 17 d'octobre 1936), Pierre Burgal (à partir du n° 15 de mai-juin 1936), C. Coudray (jusqu'au n° 10 d'octobre 1935 compris), Raoul Dubois (à partir du n° 11 de novembre-décembre 1935), Henri Ducorbier, J. Lamuz (jusqu'au n° 10 d'octobre 1935 compris), G. Paul-Henri (jusqu'au n° 16 de juillet 1936 compris), Maurice Peyssou, Louis Van Dhieer - Collaborateurs : Georges Ardiot, M. Babeau, Marcel Béalu, Jacques Béchot, Jacques Bédé, Jacques Béridot, Lucien Bertrand, Pierre Burgal, Pierre Chartier, Jean Cochy, Yves Demailly, Pierre Deudon, Raoul Dubois, Henri Ducorbier, Marcel Fautrad, Maurice Fombeure, Paul-Marie Fontaine, E. Gavelle, Louis de Gonzague Frick, Jean Groffier, Maurice Guigoz, C. H., Roger Hallot, Hans, Georges Hyvernaud, Youssef Khalil, Jeanne Lamuz, Maurice-Edgard Longuet, Marcelle, Jean Mardigny, Jean Meuris, G. Paul-Henri, Jacques Péridot, Maurice Peyssou, Paul Rhine, Michel Servais, Jean Soor, Louis Van Dhieer, Daniel Wallard - Illustrateurs : Jacques Grégoire, J. Lefèvre, Luc Lepetit, J.-C. Rousseau - Adresse : 70, boulevard Montesquieu, Roubaix, puis, à partir du n° 17 (octobre 1936), 67, rue du Palais-de-Justice, Melun (Seine-et-Marne) - Dépositaire : Librairie René Debresse (38, rue de l'Université, Paris VIIe) à partir du n° 11 de novembre-décembre 1935, et, à partir du n° 17 (octobre 1936), Librairie du Furet du Nord (9, rue de la Vieille Comédie, Lille), et, à partir du n° 18 (novembre-décembre 1936), Librairie Henri Cauvet (10, rue Saint-Aubert, Arras), Librairie Feret & Fils (9, rue de Grassi, Bordeaux), et, à partir du n° 25 (novembre-décembre 1937), Librairie Béalu (Rue Dorée, Montagis) - Gérant : Georges Ardiot, puis, à partir du n° 17 (octobre 1936), Louis Ardiot - Imprimeur : Georges Ardiot, 70, boulevard Montesquieu (Roubaix), jusqu'au n° 10 d'octobre 1935 compris, puis, Sur les presses de l'imprimerie C. Nivelle, 75 rue d'Arras à Lille, puis, à partir du n° 25 (novembre-décembre 1937), imprimerie F. Nivelon à Melun]
N° 10 (Octobre 1935)
[Date de publication : Octobre 1935 - Couverture : Imprimée en noir et rouge sur papier gris (Numéro, Date, Titre [en rouge], Adresse) - 2e de couverture : muette - 3e de couverture : muette - 4e de couverture : Directeur-Gérant - Page [1] : Page de titre (Titre, Sous-Titre, Directeur, Comité de Rédaction, Secrétaire de Rédaction, Sommaire) - Page [2] : Abonnement - Page [3] : En-Tête (Date, Numéro) - Page [13] : muette - Page [37] : Editions des Cahiers "Jeux" (vient de paraître / L'ASILE DE NUIT par Henri Ducorbier / frontispice de Jacques Grégoire / sous presse : / "RIENS" par Lamuz / SUR MON TERROIR par Raoul Dubois / en préparation : / NATURES MORTES par G. Paul-Henri / CITÉS par Henri Ducorbier / chaque plaquette / prix de soutien moral : 5 fr.) - Page [38] : Encart publicitaire pour "L'Argus de la Presse" ; Imprimeur - Pagination : 38 pages]
Sommaire
Georges Ardiot : Profession de Foi, manifeste [en épigraphe, citation de Jean Guéhenno : "... la grandeur qu'il peut y avoir dans les rêves des gens de rien."] (p. [3]-[11])
Jean Cochy : [Lettre], lettre [daté "Mercredi matin 4 septembre 1935" - introduit par les lignes suivantes : "Nous avons reçu de notre ami Jean Cochy une lettre dont nous extrayons le passage suivant :" - sur la mort d'Aldebert] (p. [12])
Jacques Grégoire : [Linogravure], dessin [en regard du poème suivant qu'il illustre] (p. [14])
Marcelle : La Veillée (Poème d'une petite fille), poème en vers libres (p. [15])
[Jeanne] Lamuz : Chapitre premier et dernier, récit [daté "Mars 1935"] (p. [16]-[19])
G. Paul-Henri : Le Poète suicidé (A propos de la mort de René Crevel), poème en vers libres (p. [20]-[22])
Raoul Dubois : Baptême Païen, poème en vers libres [A mon Edda - daté "Pâques 35"] (p. [23]-[31])
M[aurice]. P[eyssou]., G[eorges]. A[rdiot]. : Signaux [Aux Escales du Rêve par Madeleine Champion (L'Action Intellectuelle, Poitiers). - (p. [32]) ; La Malle-Poste d'Amour par Etienne Gril (Marie Marcou, Alfort (Seine).) ; Gant de Crin par Jeanne Cartault d'Olive, suivi de La sentimentale exaspérée (Bernard Grasset). - signé M. P. - (p. [33]) ; Instants d'affluence, par Fernand Lot (Ed. René Debresse, Paris). - (p. [34]) ; Transfiguration du Furieux, par Pierre-Louis Flouquet (Edit. "Les Cahiers du Journal des Poètes".) - (p. [34]-[35]) ; Courrier de la Solitude, par Pierre Bonnet Dupeyron (coll. "Les Cahiers de Barbarie". Edit. de Mirages, Tunis.) - signé G. A. - (p. [35]-[36]) ; Nous avons reçu : Le Bon Plaisir de Toulouse, Eurydice de Paris, Le Journal des Poètes de Bruxelles, Anthologie de Liège. - (p. [36]).], comptes rendus (p. [32]-[36])
Documents
"Profession de Foi"
"... la grandeur qu'il peut y avoir
dans les rêves des gens de rien."
Jean GUÉHENNO.
Un jour de l'autre année, nous étions plusieurs à converser. De quoi parler sinon de nous-mêmes, de nos positions devant le monde, de nos réactions devant lui, de nos valeurs et de l'ordre de ces valeurs. L'idée nous vint de donner à ces échanges une forme, d'en laisser une trace. Nous pensions y gagner pour nous-mêmes, pour notre âme, notre cœur, notre esprit, autant par l'effort plus sérieux, plus réel que cela devait naturellement nécessiter que par la possibilité de voir derrière nous le chemin foulé, l'escalier construit à mesure que nous nous élèverions, si toutefois il nous était donné de nous élever.
Ainsi naquirent les Cahiers "JEUX".
Comme on cloue une planche à un arbre pour indiquer la bonne direction dans une région mal connue, nous rédigeâmes à la hâte un Essai d'Explication, publié dans notre deuxième cahier, répandu à une douzaine d'exemplaires seulement, ce qui nous autorise à le reproduire ici.
Le voici :
JEUX : détente après le travail, re-création.
effort pour débrouiller l'écheveau de nos esprits, de nos cœurs.
délivrance des contraintes pour retrouver la nature.
jouissance de nos plaisirs, de nos peines, de nos angoisses, de nos émois.
tentatives, car il nous faut nos jeux à nous, conduits par nous, même inspirés.
jeux des mots et du hasard.
accoutumance à la pensée affermie, solidifiée par la page imprimée, être véritable, détaché de son créateur.
comme ceux des enfants, menés sérieusement, ayant en eux-mêmes leur objet, leur fin, parce que vivre, c'est jouer.
recherche de l'équilibre et de la clarté, recherche de Dieu. (1)
(1) Nous avions écrit : "Commerce des Dieux".
Depuis, nous avons vécu. De petits cahiers ont vu le jour, qui sont même allés toucher des cœurs généreux et ouverts et leur ont fait deviner ce qui se cache au fond de nous-mêmes.
Peut-être nous devons-nous maintenant à quelque confidence.
Nous ne sommes ni des savants, ni des érudits, ni des artistes.
Nous sommes de simples hommes comme le dictionnaire en donne la définition, sans plus de ceci ou de cela, sans étoile au front, sans dons privilégiés.
Des hommes, tout court, comme on dit, c'est un cheval, c'est un arbre, c'est une pierre.
Mais en nous, quelque chose veut vivre. Quelque chose sans contour, indéterminé, quelque chose de non localisé veut prendre forme, se mouler, avoir un corps.Mouvement interne, vibration projetant des images, des mots, des pensées, prenant appui sur notre cœur, exaltant tout notre organisme. Un flux nous monte à la gorge. Il faut qu'il sorte, qu'il se traduise, qu'il s'inscrive, s'imprime, qu'il soit.
Car nous voulons être.
Certains peuvent être, se réaliser par eux-mêmes, par le seul jeu de leur organisme. A d'autres, il faut une personne en équilibre à leur personne. Pour nous il nous faut voir notre reflet sur la page blanche, sur la page qui n'est plus nous-mêmes, où quelque parcelle de nous-mêmes inscrite, s'est détachée comme une statue sortie d'un bloc anonyme.
Nous voulons être, et totalement, étendus de tous nos membres sur le sol rugueux.
Nous voulons être,
avec toute la terre,
avec tout le ciel,
avec tout l'enfer.
Nous voulons être, non pas parce que nous nous croyons d'une essence supérieure, d'une autre valeur, d'une certaine valeur,
ni pour en imposer,
ni pour nous mettre en vedette,
ni pour fonder une école,
ni pour la vaine gloire,
ni pour la vraie gloire,
ni pour la postérité.
Nous voulons être tout simplement,
être le plus largement possible,
être le plus profondément possible,
être le plus humainement possible,
être pour chercher notre vérité,
pour chercher notre vérité à nous.
S'il le faut, si les modes du jour se refusent à nos tentatives, nous ne vivrons que de notre seul témoignage, sans jactance, comme sans fausse humilité. Pauvres, nous n'apportons avec nous que notre désir, notre foi, un immense espoir. Pauvres, nous rechercherons, nous regarderons, nous tenterons, dirons, jugerons, chanterons.
Ces cahiers seront un pôle, une pierre d'achoppement. Ils recevront le moins bon et le meilleur. Ils décanteront, feront éclater, dissocieront, ouvriront ou fermeront des routes comme les bras des sémaphores, commanderont le silence, exalteront le poète.
Ces cahiers grouperont ceux qui, jamais las, ignorent la stérile distinction entre la victoire, la réussite, et la défaite, le coup manqué, ceux qui sont toujours en quête, inquiets de la vie, avides d'être, ceux qui ne songent pas à s'asseoir définitivement.
Ce qu'ils recherchent avant tout, avant la pureté du style, avant la justesse des mots, avant la rime riche, c'est une expression directe et drue, c'est le jus même de la substance qui flotte dans notre poitrine, de cette bulle émotive née en nous d'un choc - pensée, personne ou paysage -
Non pas le facile épanchement, non pas la facilité d'écriture.
Ce qu'ils rechercheront avant tout, c'est l'authenticité :
authenticité de la peine
authenticité de la joie
authenticité du plaisir
authenticité de l'amour
authenticité de la prière.
Nos héros, nos demi-dieux : Hugo, Whitman, Péguy, Claudel, ont brûlé de la flamme sur laquelle ils ont eux-mêmes soufflé. Nous voulons retrouver leur chaleur jusque dans notre existence ordinaire, jusque dans nos plus quotidiennes occupations.
Car il nous faut aussi un art de tous les jours, un art qui ne revête pas des habits de dimanche. Il nous faut un art qui colle à la nature, au monde, aux valeurs, à toutes les valeurs qui se justifient. Il nous faut une adhérence parfaite, une communion vraie, comme celle de deux amants, qui, dans leur étreinte, sont à la fois l'un et l'autre et un seul, dans le même éblouissement charnel.
- Mais JEUX, dites-vous, cela ne fait pas sérieux.
- C'est que vous ne savez pas, c'est que vous n'avez joué sérieusement, emporté entièrement dans une action toute gratuite qui n'a qu'elle même pour but, emporté de toutes vos forces, mentales, morales, spirituelles et physiques, avec une passion profonde, claire et tenace.
A notre tour, nous demandons : "Est-ce bien cela que nous sommes ?" L'image manque de netteté. Mais la netteté ne convient qu'à ce qui est fixé, figé, mort. La vie veut le mouvement, la mobilité.
Au moins, avons-nous allumé quelques repères. Entre les feux des balises, le navigateur façonne sa route. Derrière le contour de notre esquisse, ce que nous n'avons pas dit, l'inexprimé, ce qui se refuse constamment à la prise, et qui pourtant pèse si lourdement sur nous, se projettera pour chacun, sur le riche fond de toile du monde, en images inconsistances d'êtres inachevés. Images différentes, issues d'une même forme originelle. La plus secrètement vraie verra-t-elle quelque jour son épanouissement pour répondre à l'éternelle et inlassable question : "Qui donc es-tu ?"
GEORGES ARDIOT.
"La Veillée"
Linogravure de Jacques Grégoire
"Le Poète suicidé"
(A propos de la mort de René Crevel)
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