LES GUÊPES
3e Année - N°28 (Novembre 1911)
[Date de publication : Novembre 1911 - Couverture : imprimée en noir sur papier jaune, 445 (référence à l'article 445 du Code d'instruction criminelle), Année, Date, Numéro, Titre, Périodicité, Épigraphe (citation des Guêpes d'Aristote : LE CHŒUR : Il n'est pas facile de m'adoucir, quand on ne parle pas dans mon sens.), Prix du N°, Dessin représentant une guêpe - 2e de couverture : Abonnement, Titre, Périodicité ("Revue mensuelle paraissant le 15 de chaque mois"), Directeurs : Jean-Marc Bernard et Maurice de Noisay, Secrétaire : Henri Clouard, "Les abonnements partent du commencement de l'année et sont continués sauf avis contraire", "La Revue ne publie que de l'inédit. Les manuscrits ne sont pas rendus. Les auteurs sont seuls responsables de leurs écrits.", Fondateurs, Collaborateurs, ("Tous ceux dont les articles auront été acceptés par la Direction") "Ceux qui ne collaboreront pas. - MM. Jean Aicard, Maurice Bouchor, Gaston Deschamps, Auguste Dorchain, J. Ernest-Charles, René Fauchois, Eugène Lintilhac, Jean Rameau, René Ghil, Saint-Georges de Bouhélier, Fernand Gregh, Robert de Souza et Jean Royère", Dépositaires (A Paris : La Nouvelle Librairie Nationale, 85, rue de Rennes (VIe) - M. Blanchard, 4, boulevard St-André (VIe) - M. Bénard, 11, Galerie de l'Odéon (VIe) / A Marseille : Librairie Antimaçonnique, 14, rue Montgrand / A Lyon : M. Lardanchet, rue Président-Carnot / On trouve également la Revue dans les principales bibliothèques des gares de Paris et de la Province), Titre (encadré de part et d'autre par "445"), "Adresser les communications / Concernant l'Administration : à M. Jean-Marc Bernard, Saint-Rambert d'Albon (Drôme) / Concernant la Rédaction : à M. Maurice de Noisay, 7, rue Paul-Saunière, Paris. / "Le Directeur et le Secrétaire reçoivent le mercredi, de 5 à 7 heures au siège de la Revue, à Paris, 7, rue Paul-Saunière" - 3e de couverture : 445 (en note : Cet article du code d'instruction criminelle est en somme (notre modestie ne rougit pas de l'avouer) le meilleur article de notre revue. Aussi nous nous promettons de l'insérer douze fois par an) - 4e de couverture : Encarts publicitaires (Objets d'Art.- Henri Michelon / Lisez tous : L'Action Française / Champagne "Aux Trois Fleurs de Lys" Brière et de Labaume, Reims / La Plume Politique et Littéraire / L'Action Française / Le Divan / Imprimerie Valentinoise / Grand Café Glacier, Rich Tavern / Le Courrier de la Presse / Biscuits Peyturaud / Revue Critique des Idées et des Livres / Revue Catholique et Royaliste / L'Âme Latine / Lisez aussi : Le Nord Patriote) ; Service des Revues (liste) - Pagination : 16 pages]
M[aurice]. de N[oisay]., J[ean].-M[arc]. B[ernard]. : Hommage à Willy (p. 193)
J.-Ch.-E. Rey : Chant Royal pour consoler Willy de la mort de Maugis (p. 194-195)
Raymonde Delaunois : Lorsque j'ai rencontré Gauthier-Villars pour la première fois... (p. 196)
Fagus : Willy est un être délicieux... (p. 197-199)
Henri Martineau : C'est une excellente idée que vous avez là, mon cher Bernard, de consacrer un numéro spécial à Willy... (p. 200-201)
Raoul Monier : Que vous dire, mon cher Bernard, que vous ne sachiez déjà, et que nos amis n'aient déjà écrit excellemment, au sujet de Willy ?... (p. 202-204)
Henri Clouard : Cher maître attristé, Willy, les Guêpes, en vous adressant cet hommage public, ont conscience de poursuivre et d'éclairer encore la voie de leur tradition... (p. 205-206)
Jean de Tinan (+), Lucien Jean (+), Eugène Marsan, Louis Thomas, Francis de Miomandre, Émile Sicard : Willy et les Jeunes [extraits de jugements sur Willy] (p. 207-[208])
Documents
"Hommage à Willy"
Willy, dès ses débuts, a eu l'oreille du grand public. Et c'est aujourd'hui seulement, alors qu'il se trouve en pleine maturité, que les petites revues (Le Feu, le Divan, l'Occident, etc.) se mettent à le célébrer ! Le cas est assez rare pour qu'on le signale. Il s'explique toutefois aisément.
Les jeunes hommes sont toujours effarouchés par un écrivain qui s'acquiert une gloire trop prompte. Ils croient ce succès acheté par des concessions ou des flagorneries. Mais que ce même écrivain, dont ils se sont écartés un instant, soit soudainement abandonné, calomnié et haï par des misérables ou des imbéciles, les voici qui accourent se ranger autour de lui. C'est que les jeunes, les vrais jeunes, avant d'être des littérateurs, sont des personnes bien vivantes, et qu'ils recherchent d'abord, dans tout artiste, l'homme qui s'y cache. Ils ont besoin de prodiguer leur admiration, leur amour et leur respect. Grâces à Dieu ! ils ne sont pas encore "gendelettres" - ils le deviendront toujours assez tôt !
Si, en 1899 déjà, Jean de Tinan pouvait écrire : "la génération montante a déclaré que Willy lui appartenait, et Willy a bien voulu", eh ! bien, nous écrirons de même : notre génération déclare que Willy doit lui appartenir...
Et il veut bien, n'est-ce pas ?
M. de N. et J.-M. B.
"Willy est un être délicieux..."
Willy est un être délicieux, je ne dis pas seulement un délicieux écrivain : l'écrivain laisse chez lui perpétuellement transparaître l'homme. Il réunit, qu'il pousse au suprême, l'exquis de nos qualités françaises : le sens de la proportion et de la mesure dans celui de la réalité, la décence - oui - et la convenance, qui contient la propriété du terme (tout cela d'apparente), la bonne humeur audacieuse et jusqu'à la licence énorme, la probité d'ouvrier - et se résumant toutes en celle-ci : le goût. Et l'homme à travers se devine très bon, très brave, très généreux, très loyal.
A mon âge, "vers le milieu du chemin de notre vie", on ne lit plus guère et ne relit pas encore. Je lis Willy et le relis ; il fait partie de mes classiques.
... Proposons ce sujet : - Une jeune épouse qu'un mari amoureux, mais quelque peu benêt...
(Un mari fort amoureux,
Fort amoureux de sa femme,
Bien qu'il fût jouissant ne semblait pas heureux.)
n'a point su faire... vibrer, dans son désenchantement cherche hors du mariage ce que le mariage ne lui procura pas : et ne le rencontre pas davantage, tant qu'à la fin, elle retourne vers son mari, et trouve enfin là... ce qu'elle attendait. Voilà la matière des Égarements de Minne. De quoi tirer quelque grosse ordure, ou bien une baveuse cacographie selon Feuillet ou Georges Ohnet, plus malsaine encore, ou bien une de ces polissonneries pédantesques où le Gourmont d'aujourd'hui trébuche de Voltaire en Léo Taxil. Willy compose avec cela une idylle joviale çà et là, et çà et là mélancolique, en résumé tonique et chaste. Une scène entre autres me ravit : où l'égarée se va déshabiller chez le vieux Maugis, alcoolique corpulent et paillard, et s'offrir à lui, nymphe sur les genoux du satyre. Le satyre (caricature de Willy, ce qui rend plus touchante la scène) la considère et puis se contemple, et conclut, pourtant que lanciné de désirs : non, ce serait malpropre ; et paternellement persuade la mignonne de revêtir ses frusques et ne les dépouiller plus que dans le cubiculum. Une telle scène devrait être dégoûtante et grotesque ; Willy la rend élégiaque : quel tour de force !
Le quatuor des Claudine exhibe des fillettes trop précoces, des femmes qui n'aiment pas l'homme, des jeunes gens qui ne pratiquent pas la femme, des vieillards lubriques, que sais-je ? Est-ce l'effet d'un tempérament morbide ? ma foi non : il a vu, a vu d'un œil véridique, indulgent et amusé. Il est parfaitement averti (il a vu tant ! il aime beaucoup voir) que tout cela au fond ne tire point à conséquence. A l'encontre de Zola, "cochon triste", il sait qu'en France le dévergondage demeure superficiel, et fanfaronnade de vice bien plutôt que vice réel. D'où cette indulgence narquoise (il faut bien que les enfants s'amusent !) et volontiers attendrie, pour des écarts qu'à ne les pas prendre au sérieux, il relègue à leur place. Ainsi ce lâcheur de mots énormes se montre non seulement décent, mais moralisateur au bout du compte. Quelle différence avec les "œuvres" de feu Mendès, ruissellement d'eau de toilette où mijotent des cantharides, ou bien le théâtre hystérique de Bernstein, Porto-Riche, et (hélas !) Henry Bataille. Mais aussi, que de tact, que de mesure : que de goût !
Ce sont précisément de tels mérites qui l'ont fait traiter avec un feint dédain, ou un mépris hypocrite, selon un renouvellement de la même manœuvre intéressée qui réussit naguère à l'égard de ces deux admirables représentants de l'honnêteté et du génie français : Jean Lorrain et Alfred Jarry.
Une autre tactique plus adroitement perfide, qui consiste à l'accuser d'être seulement le signataire des livres portant son nom, nous invite à évoquer un souvenir personnel. Il nous arriva de collaborer à une ou deux Lettres de l'Ouvreuse. Ayant écouté avec attention le concert où nous étions délégué, nous rapportâmes une analyse scrupuleuse... que Willy se borna à truffer de traits d'esprit... Oui, mais, voilà : ce qui n'était que le compte rendu de n'importe quel dilettante exercé et soigneux, ce judicieux truffage l'avait doué du je ne sais quoi d'inimitable qui caractérise les Lettres de l'Ouvreuse. Ç'avait été du Quiconque, ce devenait du Willy.
A fortiori en va-t-il ainsi de ses livres : des collaborateurs sont présumables, négligeables vraiment ! Il n'est qu'un auteur : Willy. Et cela se voit, quand tel d'entre eux que nous ne voulons nommer, publie un livre à lui tout seul, il le croit du moins : ce n'est hélas que du Willy inférieur.
FAGUS.
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