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lundi 26 décembre 2011

RÉALITÉS SECRÈTES N°V - 4e trimestre 1959

RÉALITÉS SECRÈTES
N°V (4e trimestre 1959)
[Date de publication : 4e trimestre 1959 (achevé d'imprimer : 10 Octobre 1959) - Couverture : Imprimée en noir sur papier bleu-gris (Titre, Sous-Titre, Directeurs, Numéro, Sommaire, Éditeur, Dépôt à Paris) - 2e et 3e de couverture : muettes - 4e de couverture : Annonce ("Édité par Rougerie, lisez : / LE TEMPS DES HOMMES / Revue Trimestrielle / "Contre tous les dogmatismes..." / Directeur : Marcel MARGEAUD, / Comité de Rédaction : Ladislas GARA, René ROUGERIE, Jean ROUSSELOT / Collaborateurs réguliers : / Jean L'ANSELME, Claude AVELINE, Marcelle DELPESTRE, Jean GACON, Jean-Claude IBERT, Janine MITAUD, J.-M.-A. PAROUTAUD, Robert SABATIER, Christian SENECHAL, Gabriel AUDISIO, Georges BELLE, François GACHOT, Louis GUILLAUME, Paul JAMATI, Roger NOEL-MAYER, René RIVET, Manès SPERBER, Louis DE VILLEFOSSE / 1 numéro (franco) : 400 frs / 1 an (4 numéros) : 1500 frs / à adresser à M. Largeaud, Oradour-sur-Vayres, H.V., C.C.P. 624-08 Limoges") - Page [1] : Faux-Titre (Titre, Sous-Titre, Directeurs, Numéro, Sommaire, Éditeur, Dépôt à Paris, Administration, Abonnement) - Page [4] : Achevé d'imprimer ("Il a été tiré de ce cahier, achevé d'imprimer le 10 Octobre 1959 sur les presses de l'imprimerie Rougerie à Limoges, 25 exemplaires sur Alfa-Mousse Navarre, numérotés de 1 à 25) - Page [37] : Sommaire - Page [38] : muette - Page [39] : Sommaire des précédents numéros - Page [40] : muette - Note sur la mise en page : Les pages ne sont pas numérotées - Pagination : 40 pages]
Sommaire
Marcel Béalu : Précisions (p. [3]-[6])
Michel Borghini : Que dites-vous ? (p. [7]-[14])

Max Jacob : Récit de ma conversion (p. [15]-[25])

Geno Hartlaub : L'enchantement, nouvelle [Variation sur un thème des Mille et Une Nuits - précédée d'une présentation (p. [26]) et traduite par Gilbert Socard] (p. [26]-[33])

G. C. Lichtenberg : Affiche  [daté "Coettingue, le 7 janvier 1777"] (p. [34]-[36])
Document
"Précisions"
Après une interruption pareille à une profonde respiration, et en dépit des difficultés, car il n'y a derrière Réalités secrètes ni grande maison d'édition, ni mécène, ni entreprise publicitaire qui permettraient, sinon les gros tirages, du moins une vente constante, nos cahiers poursuivent avec ce 5e numéro, leur chemin qui n'est pas celui des autres. Notre but est de durer, certains que nous sommes d'attirer peu à peu et de retenir ceux qui ont le goût de la littérature.

"Littérature !" C'est pourtant le reproche le plus fréquent qui nous est adressé, et celui qui nous comble d'aise. Qu'ont donc fait tous ces contempteurs de la littérature, depuis trente ans qu'il est de bon ton de la mépriser ? Sinon justement la pire des littératures. Vous vous placez trop en dehors de la vie, nous dit-on encore. Et cette recherche de l'étrange, Pouah ! en un temps où l' "humain" attire tous les suffrages... Mais justement de ces suffrages-là nous ne voulons pas. Quoi ? rechercher la qualité, l'originalité, c'est se placer en dehors de la vie ? Aimer l'exceptionnel, qui finalement seul compte, c'est se placer en dehors de la vie ? Il ne fait aucun doute que nous préférons les maladresses du génie aux finasseries des habiles. Nous ne sommes pas des professeurs. Nous ne voulons rien enseigner. Le mal de notre temps c'est d'enseigner l'art d'enseigner, c'est d'apprendre à apprendre, et d'avoir oublié quoi.

La morale est une création constante comme la vie. C'est pourquoi nous croyons à la maturité morale de la jeunesse révoltée. Mais devant une morale dictée avant nous et pour d'autres, nous nous sentons profondément immoraux.

La littérature n'est pas pour nous un refuge, elle est l'expression noble de l'âme humaine. Nous pensons que ce qu'il y a de plus secret dans l'homme est aussi ce qu'il y existe de plus vrai. Nous n'aimons pas plus le rabâchage que le mensonge. Tel est le sens, l'unique sens de notre titre. Réalités qui viennent du tréfonds de l'homme et s'adressent au tréfonds de l'homme.

Nous serions en dehors de la vie parce que nous préférons tendre l'oreille à tout l'inconnu plutôt qu'au sempiternel bavardage quotidien ? Pourtant, ne vivons-nous pas en plein mystère ? Il suffit de lever le nez pour s'apercevoir que le ciel n'a pas de fin. Et ce ne sont pas les sauts de puces artificielles que nous y ferons qui changeront grand-chose.

Qui peut vivre un seul jour sans penser à la mort ? Qui peut vivre un seul jour sans penser à ces millions d'années-lumières au-dessus et au-dessous de lui, à cet espace, à ce vide archi-plein de présences invisibles ? Au vrai, qui peut vivre une seconde sans penser que nous sommes environnés de légions d'archanges qui dirigent nos pas et inspirent nos actes ?

Le poète s'exprime avec des mots, certes, mais également avec des images. C'est pourquoi, en dépit de ceux qui nous qualifient d'ésotériques, nous affectionnons le symbole qui seul permet de dépasser le sens des mots. Nous sommes à la recherche d'un certain dépassement de l'être, d'une certaine densité de la vie. Nous aimons l'humour, qu'il soit grinçant ou harmonieux, car la vie est tragique et drôle, mais nous abhorrons le ricanement sceptique et destructeur, autant que le bizarre pour le bizarre.

Si ces cahiers tendent à dresser une anthologie permanente du merveilleux et du fantastique contemporains, nous abhorrons, et ceci il est temps de le crier très haut, tout ce qui est compilation poussiéreuse du passé. L'adulation d'hier et d'avant-hier, la nostalgie des avant guerre ou des entre-deux guerres et autres formes de la manie collectionneuse ne nous intéressent pas.

"Notre intention, écrivions-nous dans notre premier numéro, est moins de présenter des auteurs que de souligner une tendance..." Nous n'en sommes pas moins fiers d'un sommaire qui rassemble, à ce jour, des noms aussi divers et aussi célèbres que ceux de Jean Paulhan, Max Jacob, Julien Gracq, Francis Ponge, Raymond Queneau, Lise Deharme, etc... ; des nouveaux de grand talent comme Joyce Mansour, Jacques Sternberg, Pierre Bettencourt, René de Obaldia, etc... ; des révélations aussi importantes que celles de Carlos Edmundo de Ory, Marcelle Delpastre, Marc Alyn et, dans ce numéro, Michel Borghini.

Le rassemblement de ces écrivains sous notre titre est justifié avant tout, à une époque où certains éditeurs imposent à la foule leurs médiocres auteurs comme l'industriel une marque de savon, par le souci de la qualité et le mépris du bluff, c'est-à-dire l'amour du réel et le goût du secret.

Ces précisions, qui étaient devenues nécessaires, ne veulent pas du tout dire que nous aspirons au chuchotement confidentiel ou à la clandestinité. Nos cahiers n'ont pas un gros tirage, c'est vrai, mais nous sommes convaincus qu'avant peu ils seront âprement recherchés. Chaque numéro est assez substantiel, quand ce ne serait que par la réédition de textes rares tels que Sacrifice Impérial ou Le Pont Traversé, pour attirer les convoitises des bibliophiles intelligents (les autres étant ceux qui n'hésitent pas à payer à prix d'or une ineptie parue vingt ans plus tôt, mais font la fine bouche devant un chef-d’œuvre qui peut encore se trouver partout à prix modique).

A partir de ce numéro, Réalités Secrètes, pour devenir véritablement un "périodique" au sens où l'entendent les P.T.T., paraîtra tous les trois mois, ce qui nous oblige à réduire notre nombre de pages et par suite le prix de chaque numéro. Bonne nouvelle ! Ainsi le lecteur aura-t-il moins longtemps l'occasion de nous oublier.
M. B.
Référence à consulter

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